|
L’exploitation sexuelle demeure pour le grand public le parfait synonyme de
la traite des êtres humains. Fortement médiatisé jusqu’au milieu des années
deux mille, ce sujet a suscité de nombreux reportages et articles de journaux.
Malgré cette attention médiatique et l’indignation politique qui l’accompagne, la
plupart des Etats européens ne semblent pas avoir réussi à s’adapter aux
mutations qu’a connue l’exploitation sexuelle. Si l’on prend la situation des
jeunes filles mineures où la question du consentement n’intervient pas les
chiffres des autorités compétentes reflètent cette incapacité et/ou ce manque
de volonté. Dans la majorité des Etats européens, le nombre de mineures
reconnues comme victimes d’exploitation sexuelle est très faible. Les rapports
des différents pays évalués par le GRETA[1] indiquent pour l’Autriche en 2011, deux mineures
identifiées, en 2012 une seule et en 2013 six[2]. La situation est à peu près similaire au Danemark avec
deux victimes de moins de dix-huit ans, pour l’année 2010. En Belgique, en
2012, seuls 8 mineures ont été reconnues victime. En Espagne[3], seulement 7 mineures ont été identifiées en 2011 et 6
en 2012. En France, en 2013, 25 mineures furent comptabilisées comme victimes de
proxénétisme[4]. Trois pays se distinguent démontrant au besoin que
l’identification et la protection de ces victimes est possible. L’Allemagne qui
selon les données de la Police fédérale[5], a recensée pour l’année 2012, 100 victimes. L’Italie
qui a longtemps était en avance sur la reconnaissance de ce phénomène mais qui
depuis quelques années voit un nombre croissant de ses régions ne plus mettre
de moyens suffisants pour l’identification[6]. En 2012, 114 mineures victimes ont été assistées[7] dans tout le pays. Enfin, le Royaume Uni où 223 mineures
victimes d’exploitation sexuelles ont été identifiées[8].
L’objet de cet article est de comprendre, au-delà des données statistiques
des Etats trop parcellaires, les principales mutations qu’a connue
l’exploitation sexuelle en Europe de l’Ouest au cours de ces 20 dernières
années. Qui sont les victimes actuelles ? Comment sont-elles
recrutées ? Qu’elles sont leurs aspirations ? Quels types de
contraintes subissent-elles ? Pour cela je m’appuierai sur des enquêtes de
terrains effectuées en France, en Roumanie et en Bulgarie entre 2010 et 2015. Comprendre
ces nouveaux profils doit permettre de mieux prendre en compte les victimes qui,
comme le montre les chiffres officiels, demeurent dans leur grande majorité
ignorées par les autorités.
Evolution
du phénomène lors de vingt dernières années : le cas de l’Europe de l’Est
En fonction des pays d’origine des victimes, les mutations de
l’exploitation sexuelles en Europe de l’Ouest sont très spécifiques : le système des jeunes
nigérianes encadrées par une Madam
qui maintient des filles dans une situation d’endettement pendant de nombreuses
années n’a rien à voir avec la situation des « marcheuses chinoises »
ou des adolescentes allemandes, françaises, espagnoles exploitées sexuellement.
Concernant les jeunes filles d’Europe de l’Est, qui pendant de nombreuses
années représentèrent le nombre de victimes le plus important en Europe de
l’Ouest, la
structuration de leur exploitation a connu, lors de ces vingt dernières années,
de profondes mutations. Ces changements sont souvent à l’origine d’un certain
nombre d’incompréhension sur la réalité actuelle de l’exploitation qui
s’éloigne de l’image des grandes organisations criminelles internationales tout
comme du portrait de la victime idéale.
Pour cerner ces mutations il faut revenir sur la genèse de l’exploitation massive des femmes en
Europe conséquence indirecte de l’intervention internationale lors du conflit
en ex-Yougoslavie (1991-2000). En 2002, lors de la Conférence organisée à Turin
par les Nations Unies sur la traite, l'esclavage et le maintien de la paix, fut
déclaré que « la période post-conflit et l’arrivée massive de personnel
relativement riche pour les opérations de maintien de la paix a conduit à un
développement sans précédent de bordels créant une alliance de facto entre les employés de la MINUK
et le crime organisé. En conclusion concernant le trafic d’êtres humains, lors
d’opérations de maintien de la paix, il faut admettre que les casques bleus
font souvent partie du problème »[9].
Pour mieux comprendre ce phénomène revenons sur la chronologie des faits.
Le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité de l’ONU décréta un embargo sur la
Serbie qui dura jusqu’en 1995. De nombreux trafics frontaliers se mirent alors
en place avec la Roumanie, la Hongrie, la Macédoine, le Monténégro et l’Albanie
pour contourner les restrictions sur l’essence, les cigarettes ainsi que sur
toutes sortes de produits quotidiens : vêtements, denrées alimentaires,
cosmétiques… Ces échanges clandestins créèrent des mini-réseaux de
connaissances à des niveaux très divers entre Roumains, Serbes, Bosniens, Kosovars,
Albanais....
En 1992, la guerre en Bosnie-Herzégovine poussa la communauté
internationale à intervenir. Cet engagement se matérialisa par l’envoi de
casques bleus. Après les accords de paix de Dayton en 1995 cette force
internationale compta près de 60 000 hommes avec un retrait progressif sur
plus de 10 ans. Cette arrivée massive de militaires avec un pouvoir d’achat
très conséquent, à laquelle il faut rajouter les nombreux personnels des
organisations internationales et des ONG, donna un véritable coup
d’accélérateur au trafic de femmes et d’adolescentes. Quelques cas furent
signalés à partir de 1992 mais avant cette date la prostitution dans cette
région était extrêmement limitée. Le modèle de circulation des victimes fut
semblable à celui utilisé pour les marchandises de contrebande, passant par des
types d’organisation très variés. Cela allait du groupe d’individus se
connaissant à peine et s’échangeant des filles d’un côté à l’autre de la
frontière, à des organisations plus structurées contrôlant l’ensemble de la
filière du recruteur au propriétaire d’hôtel en passant par la corruption des
douaniers et des policiers locaux et internationaux. Les adolescentes étaient
recrutées par des fausses promesses, trompées par des proches ou séduites par
leurs exploiteurs. Elles provenaient de Roumanie, de République de Moldavie,
d’Ukraine, de Russie ou de Bulgarie, de Bosnie ou d’Albanie.
En 2000, l’ONU identifia 260 clubs en Bosnie-Herzégovine tandis que les
estimations données par les ONG faisaient état d’environ 900 clubs où le nombre
d’adolescentes et de femmes variaient de 4 à 25 par établissement[10]. Le rapport de
HRW[11] mit en lumière des complicités entre la police locale,
fédérale, et les forces de maintien de la paix comme la SFOR. Selon les ONG
locales, 50% des clients étaient des internationaux, principalement des soldats
de la SFOR qui assuraient au moins 70 % des revenus de ces établissements[12]. Cette présence quasi-officielle souligna en creux
l’impuissance ou l’absence de volonté des forces internationales à lutter
contre ce phénomène. Comme l’attestèrent les enquêtes du journaliste
américain Victor Malarek[13], les rares internationaux qui souhaitèrent s’attaquer à
ce commerce s’attirèrent les foudres de leur hiérarchie et furent rapidement
renvoyés au pays.
En 2000, après les bombardements des forces serbes par l’OTAN, l’arrivée
des soldats (50 000 hommes) de la KFOR au Kosovo entraîna un phénomène
similaire. Des bordels virent le jour dans toute cette province. Malgré les
messages de prévention des organisations internationales, la quasi-absence de
poursuites des soldats sous mandat international ne permit pas d’enrayer ce
phénomène. Pourtant, au vu de ce qui s’était passé en Bosnie, l’essor de ce
trafic était plus que prévisible. Lutter contre ne constitua pas une priorité
de la communauté internationale, comme le déplorait à l’époque Amnesty
international[14]. A l’heure actuelle ce trafic continue. Régulièrement
des opérations de polices aboutissent à la découverte de jeunes filles de
Moldavie, d’Ukraine ou du Kosovo exploitées sexuellement dans des night-clubs.
En raison de l’implantation géographique des réseaux albanophones, le
Kosovo se transforma rapidement en plaque tournante du trafic de femmes vers
l’Europe de l’Ouest. Ses bordels furent utilisés comme un point d’étape pour
des filles envoyées par la suite en Italie, en Angleterre, en Belgique, aux
Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne ou en France. Après plus de 15 ans
d’exploitation sexuelle à grande échelle, la traite des êtres humains s’est
structurée durablement dans ces pays. Les réseaux se sont internationalisés
rendant ce phénomène difficile à combattre et toujours actuel.
En raison de l’implantation géographique des réseaux albanophones, le
Kosovo se transforma rapidement en plaque tournante du trafic de femmes vers
l’Europe de l’Ouest. Ses bordels furent utilisés comme un point d’étape pour
des filles envoyées par la suite en Italie, en Espagne, en Angleterre, en
Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse ou en Allemagne. L’implantation de groupes
criminels kosovars dans ces pays conditionna le choix de ces destinations. Des
réseaux anciens[15], datant des années soixante-dix, surtout actifs dans le
trafic de drogue en Europe de l’Ouest, s’investirent alors ponctuellement dans
l’exploitation sexuelle de jeunes filles.
Le développement de la traite des êtres humains dans les Balkans est lié à
une série d’événements géopolitiques et la complicité passive de la communauté
internationale. Quasiment sans risque et très lucratif pendant près de dix ans,
ce commerce a prospéré. La lente prise de conscience des polices européennes et
la baisse de la présence internationale dans les Balkans finirent par
contraindre les trafiquants à changer de stratégie. À partir de 2005, les
réseaux serbes, bosniens, kosovars, albanais les plus puissants se
désintéressèrent de la prostitution de rue au profit d’autres types de trafics
jugés plus lucratifs : drogues, cigarettes ou armes…
L’exploitation sexuelle des femmes ne fut pourtant pas abandonnée, mais les
formes changèrent. Les lieux fermés de prostitution furent privilégiés, surtout
dans les pays où la prostitution était devenue entre-temps tolérée ou légale.
Leur disparition sur le segment de la rue laissa la place à la présence de
réseaux roumains, bulgares, nigérians achetant souvent « le
consentement » de la victime par un semblant de répartition des gains et
la perspective de devenir à leur tour proxénète. Afin de s’adapter à la
répression policière, les formes et les modes d’embrigadement changèrent tout
comme le profil des victimes. Ces mutations eurent pour effet l’augmentation de
l’exploitation par des micro-organisations sur une base géographique et communautaire,
touchant davantage les minorités roms de ces deux pays.
Depuis 2009, des groupes plus importants, par le nombre de filles
exploitées, sont apparus. Ils restent, cependant, assez éloignés des
organisations internationales régulièrement décrites. En 2010, une enquête sur
l’un des réseaux de prostitution les plus substantiels, exploitant des filles
roumaines sur les boulevards des Maréchaux à Paris, fut ouverte. D’après les
enquêteurs, il s’agissait de deux groupes familiaux originaires de Petrosani et
de Lupeni en Roumanie. Sur les 17 victimes recensées, dont deux mineures,
presque toutes avaient des liens de parenté : sœur, cousine, mère,
tante... C’est cette dimension familiale qui constituait la base de recrutement
sans que cela soit synonyme d’absence de mauvais traitements. En cas de maigres
recettes, les filles étaient battues. De même, elles étaient toutes logées dans
des garages à peine chauffés situés en banlieue parisienne[16].
Depuis 2005, l’exploitation sexuelle de rue des
jeunes filles d’Europe de l’Est se limite à des groupes restreints s’appuyant
sur une base géographique, communautaire, familiale ou individuelle. Si ces
petites organisations ont plus de liberté pour occuper la rue, la raison de
leur développement est liée au repli des réseaux d’Europe de l’Est sur des
circuits plus discrets dans les pays où la prostitution n’est pas tolérée :
prostitution dans des lieux fermés ou via internet. Les salons de massage, bars
à hôtesses, bars américains, sex-shops sont transformés partiellement en
bordels clandestins. Le rapport de l’OCRETH de 2009 recense, en France, 481
établissements de ce type présentant un risque de prostitution. Parallèlement,
avec la démocratisation d’Internet, les réseaux d’Europe de l’Est ont mis en
place des sex-tours. Le système est
maintenant bien connu. Le client qui souhaite « réserver » une fille
pour un temps donné, se rend sur un site hébergé dans des pays où la prostitution
est légale. Il choisit, sur photo, une « hôtesse » ou une escort-girl de passage dans sa ville.
Pour confirmer sa commande, il compose un numéro russe, ukrainien ou roumain.
Une fois ces formalités effectuées, il reçoit un SMS lui indiquant le nom de
l’hôtel où il devra se rendre pour avoir une relation tarifée. Pour compliquer
le travail des enquêteurs, ces jeunes femmes sont changées de villes tous les
trois jours en moyenne[17]. L’utilisation par les
proxénètes des nouvelles technologies de communication leur permet de contrôler
de l’étranger leurs victimes. Les risques pénaux sont ainsi très limités.
Parmi les pays européens où les
lieux de prostitution sont tolérées ou légaux (Espagne, Allemagne, Suisse,
Pays-bas, Belgique) l’exploitation sexuelle des jeunes filles majeures et
mineures est loin d’avoir disparu. Régulièrement des affaires impliquant un
nombre important de victimes y sont relatées démontrant que la tolérance
vis-à-vis de ce type d’établissements ne s’accompagne pas d’une baisse des phénomènes
de traite des êtres humains, au contraire. En 2013, au sein d’un des lieux les
plus connus de la Jonquera, localité
située tout près de la frontière française, 215 victimes tenues par un réseau
furent identifiées. L’extrait de l’article[18] paru dans le journal Métro décrit brièvement le
fonctionnement.
« Elles devaient
"pointer" via un lecteur d'empreintes digitales avant
d'enchaîner des "journées de travail de 14 heures" dans des
"bordels géants". La police espagnole a annoncé mercredi soir le
démantèlement d'un réseau de proxénètes roumains à La Jonquera. Une petite
ville du nord de l'Espagne, à seulement 30 kilomètres de Perpignan, devenue
haut lieu de prostitution et abritant depuis 2010 le plus grand bordel
d'Europe, le Paradise. "Afin de les soumettre, les proxénètes les
menaçaient, les frappaient et les violaient en permanence, les maintenant dans
un régime de semi-esclavage", explique la police dans un communiqué. Les
victimes, de jeunes Roumaines, étaient amenées en Espagne à peine leurs 18 ans
fêtés. "On leur faisait miroiter de faux emplois de gardiennes d'enfants
ou de personnes âgées en Espagne". Au total, 19 personnes ont été
interpellées. Elles appartiennent à deux groupes, le premier, composé de
citoyens roumains installés dans la région de Braila en Roumanie, le second,
chargé de gérer une "maison close géante" en Espagne.»
Si l’on compare l’ampleur des
réseaux démantelés en France à ceux de ses voisins européens Espagne,
Allemagne, Belgique, Royaume Uni notamment le nombre de jeunes femmes
exploitées sexuellement en provenance d’Europe de l’Est est nettement plus
faible. Depuis 2005, il n’y a plus eu d’affaires impliquant un nombre de
victimes aussi conséquent. L’exploitation semble s’être déplacée sur des
adolescents, garçons et filles, contraints à commettre des délits. Ces
différence entre les pays européens illustrent l’adaptation des groupes
criminels, quelque soit leur degrés d’organisation, aux législations nationales
et aux pratiques policières et judiciaires.
Elles façonnent, sans le vouloir, les formes de la traite des êtres
humains, l’âge des victimes, les modes d’emprise psychologiques, etc. Or, dans les discours politiques, ce constat
est occulté au profit de la mise en avant de l’extranéité des victimes et/ou
des exploiteurs devenant alors la seule cause explicative du phénomène.
Recrutement :
manipulation, violence et sentiments amoureux
Depuis quelques années, la majorité[19] des jeunes filles roumaines rencontrées dans les
diverses métropoles d’Europe de l’Ouest, entrent dans la prostitution forcée en
suivant un jeune garçon dont elles sont tombées amoureuses quelque temps
auparavant. L’emprise psychologique repose alors sur un sentiment ambivalent.
Le proxénète est à la fois le tortionnaire et le protecteur, mais surtout celui
qui fait miroiter un avenir meilleur. Si étonnant que cela puisse paraître, ce
sentiment peut se prolonger, même après plusieurs mois d’exploitation et la
présence d’autres filles. Cette illusion amoureuse est probablement cultivée
inconsciemment pour trouver un peu de réconfort et s’accrocher à un espoir.
Dans ce contexte, vouloir monter en grade au sein de ces petites organisations
est à la fois une voie de sortie et un moyen de se rapprocher de l’idéal
souhaité. Les proxénètes ont compris l’intérêt de cultiver cet attachement. Il
a l’avantage de cristalliser les haines, non sur l’exploiteur, mais sur les
autres filles perçues comme des concurrentes. L’étude Feed Back[20], qui repose sur une série d’entretiens avec des
anciennes victimes d’exploitation sexuelle ayant accepté une protection, vient
souligner cet aspect. Même après être sorties de l’exploitation, la personne
qui suscite encore rancunes et jalousies de la part des victimes, n’est pas le
proxénète mais la « lieutenante ». Derrière ce surnom se cache une
personne, elle aussi victime, dont la mission supplémentaire est de contrôler
les autres filles. Cette place enviée démontre que, réussir à se mettre en
concubinage avec un proxénète ou un client est perçu comme un moyen de sortir
de l’exploitation.
La présence d’une dette comme technique d’emprise est aussi régulièrement
utilisée. Suivant les situations, cette dette est explicite (chez les nigérianes
notamment), la somme à rembourser est connue et peut s’inscrire dans un projet
d’avenir. Beaucoup de jeunes filles espèrent qu’avec l’argent accumulé pendant
la période de prostitution, , s’acheter une maison et/ou vivre paisiblement
avec leur exploiteur, qu’elles considèrent comme leur petit ami. Cette dette a
pour objectif de démontrer aux victimes que la période d’exploitation est
limitée. Qu’à l’avenir, elles pourront se mettre rapidement à leur compte. Ce
désir de sortir au plus vite d’un système de dépendance est régulièrement
manipulé pour contraindre des jeunes filles à prendre des risques à la place
des proxénètes. Moldaves, Ukrainiennes, Roumaines qui, jusqu’en 2005, étaient
forcées de se prostituer en Europe de l’Ouest sous prétexte qu’elles avaient
contracté des dettes, se sont vues proposer, au bout d’une période, une
modalité de remboursement qui consistait à recruter de nouvelles filles.
Concrètement, elles devaient retourner dans leur pays et convaincre, par la
tromperie, leurs amies de venir les rejoindre à l’Ouest. Préalablement, leur
proxénète avait convenu, par exemple, d’une somme de 3 000 dollars par recrue,
ce qui rendait cette solution nettement plus attractive que de continuer à se
prostituer pendant encore des mois. Cette stratégie de sortie d’exploitation
était motivée par les trafiquants eux-mêmes, qui déléguaient ainsi le
recrutement, c'est-à-dire les principaux risques pénaux, à leurs anciennes
victimes.
Actuellement, dans les organisations où la taille est parfois très limitée,
l’emprise psychologique est un mélange entre séduction, promesse d’accès à un
style de vie et résignation. De nombreuses déclinaisons concernant les formes
de recrutement existent localement. Afin de les illustrer prenons l’exemple de
la Bulgarie où en fonction des principales régions de recrutement les modalités
varient.
Le cas
de Sliven
Sliven est l’une des villes en Bulgarie parmi les plus touchées par
l’exploitation sexuelle. Jusqu’en 2007, les méthodes de coercition des filles
étaient basées sur la violence. Une partie de celles exploitées au Benelux
avaient été revendues à des proxénètes albanais. Depuis, 6-7 ans d’après les entretiens
effectués auprès des médiateurs et différents interlocuteurs au sein du quartier
la majorité des filles est considérée comme volontaire. La répartition des
gains entre leur proxénète appelé « manager » et les filles serait
même très précise : 50 % - 50 % ou 70 % - 30 % si le « manager »
prend en charge le logement et la nourriture à l’étranger. En retraçant les
parcours de certaines « volontaires » d’autres types de contraintes s’ajoutent
notamment via l’encouragement par leur « manager » ou leur « petit
ami » à consommer de la drogue. Une fois arrivées sur place leur addiction
devient alors un moyen d’asservissement.
A Sliven, la prostitution ne
concerne pas uniquement les quartiers roms ou les jeunes filles pauvres, les élèves
des lycées de langues étrangères et des Beaux-arts partent régulièrement à
l’étranger pour se prostituer (Espagne, Allemagne, Suisse). Des responsables
d’établissement ont évoqué une proportion de 5 à 10% de lycéennes concernées
par ces départs à risque.
D’après nos interlocuteurs
(médiateurs et procureur), les jeunes filles les plus vulnérables à
l’exploitation sexuelle de cette région sont celles âgées entre 13 et 16 ans
provenant des villages alentours. Elles sont très faciles à recruter via des lover boys qui agissent à la sortie des écoles souvent distantes
de leurs villages de plusieurs dizaine de kilomètres. Les villages de la
minorité turque situés dans les montagnes sont particulièrement exposés à ce
phénomène. Les filles reçoivent à la maison une éducation très stricte, elles
ont très peu accès aux produits de consommation. L’arrivée au collège situé
loin de leur village (qui dispose uniquement d’une école maternelle) fait
naître un désir de liberté facile à manipuler par des lover boys. Si la fascination pour la ville, les besoins affectifs
et le désir de liberté sont les principaux points d’entrée utilisés pour créer
une emprise amoureuse, lors d’une enquête menée par l’un des procureurs de
Sliven, plusieurs lover boys cherchant
à recruter des filles pour leur compte se seraient également appuyés sur des
connaissances psychologiques précises pour pouvoir mieux repérer et manipuler
des jeunes filles fragiles.
Une fois séduites ces jeunes filles
sont exploitées sexuellement pour le compte de leur « nouveau petit
ami » à Sliven. A 18 ans après avoir pratiqué cette activité une partie
d’entre elles sont envoyées à l’étranger.
Le cas de Pazardjik
Une autre ville en Bulgarie, connue
pour le trafic de jeunes filles a vu le développement d’un autre modèle de
recrutement fondé davantage sur la création d’une emprise amoureuse et
familiale.
Une partie importante de l’économie
du quartier rom de Pazardjik repose sur la prostitution. Le nombre de
proxénètes serait de 300[21]. Le nombre de filles par proxénète serait en moyenne de
2 à 3. D’après nos interlocuteurs au sein du quartier, la plupart des victimes
sont recrutées dans les villages autour de Pazardjik via des lover boys. Une fois séduite, la jeune
fille intègre la plupart du temps la famille du lover boy / proxénète. Si ce
dernier n’est pas marié civilement avec sa femme, pour augmenter l’emprise
psychologique, il se marie avec la jeune fille. Là où les jeunes filles vivent
au sein de la famille, elles sont relativement bien intégrées à la cellule
familiale où elles dorment, prennent leur repas et partagent le quotidien.
Elles sont perçues par les membres de la famille (femme et/ou enfants) comme
une deuxième femme servant de « carte de crédit » selon l’expression
rapportée par nos interlocuteurs. Toujours d’après des personnes de la
communauté, si le nombre de jeunes filles par famille est limité c’est avant
tout pour éviter des conflits liés à la jalousie entre les filles.
Au niveau de la structuration chaque
proxénète est indépendant. Ceci n’empêche pas des associations temporaires
entre eux sur des bases familiales et de voisinage pour mieux contrôler un
territoire notamment à l’étranger. Des échanges de filles peuvent avoir lieu notamment
entre villes d’un même pays (en l’occurrence Bordeaux, Limoges, Toulouse) mais
aussi de différents pays (Munich et Gand) où les proxénètes de Pazardjik et
Plovdiv qui contrôlent les lieux de prostitutions sont implantés localement depuis
plusieurs années. Cette prostitution à l’étranger a lieu dans la rue, dans des
appartements ou des hôtels (modèle des sex
tour) ou quand c’est le cas des établissements où la prostitution est
autorisée.
Les proxénètes qui rencontrent des
problèmes avec la justice ou la police à l’étranger, se mettent à l’abri à
Pazardjik afin de se faire « oublier ». Les jeunes filles qu’ils
contrôlent se prostituent alors sur l’axe routier Plovdiv Sofia.
Du
désir de reconnaissance sociale à l’exploitation sexuelle
A l’heure actuelle, la majorité des jeunes filles exploitées sexuellement savaient,
au moment de leur recrutement, qu’elles allaient devoir se prostituer. Cette
lucidité qui doit être relativisée car elles sont quasi-systématiquement
trompées sur « leurs conditions de travail » ou la répartition des
gains, vient à l’encontre de l’image de la victime idéale : innocente,
naïve, trompée, battue. Or, afin de mieux cerner les mécanismes psychologiques
et sociologiques qui amènent des jeunes filles à s’engager dans la prostitution
il est nécessaire de prendre en compte leur désir de prestige social.
L’étude de S. Lazaroiu et L. Ulrich[22], qui porte sur une centaine de filles roumaines, âgées
de 15 à 25 ans, victimes de la traite, permet de mieux comprendre l’importance
de cette dimension. Ses auteurs ont cherché à lister les facteurs de
vulnérabilité ayant conduit à l’exploitation sexuelle, en mesurant l’écart des
situations entre le groupe dit « vulnérable », composé d’anciennes
victimes, et un groupe dit non vulnérable, constitué par un échantillon
représentatif de cette tranche d’âge n’ayant pas connu des situations de
traite. Sans trop de surprise, les résultats indiquent que plus la victime est
jeune plus elle est vulnérable, idem
pour le niveau d’études qui, lorsqu’il est faible représente un risque
d’exploitation plus important… La recherche introduit ensuite des critères sur
les représentations des victimes. Ainsi, parmi les filles du groupe dit
vulnérable à la question : « qu’est-ce que vous désirez le plus dans
votre vie ? » 40 % répondent : « avoir de l’argent, bien
vivre, avoir de la chance ». Or, seules 18 % des filles dites non
vulnérables ont cette même réponse. De même 90 % des « vulnérables »
souhaitent avoir plus d’indépendance par rapport à leurs parents, contre 71 % pour
le groupe dit non vulnérable. Or, ces représentations ne sont pas exclusivement
conditionnées par un contexte familial lourd. En effet, 35 % des jeunes filles
victimes disent avoir assisté à des disputes ou des violences au sein de leur
famille, ce qui signifie que deux tiers des victimes disent ne pas y avoir été
confrontées. De même, 16 % de l’échantillon dit non vulnérable a connu le même
type de violences. Les origines modestes, le faible niveau d’éducation ou les
violences familiales ne semblent donc pas être les seuls facteurs qui
conduisent à la traite comme le laisse à penser la majorité des études[23] sur la question. Ce qui caractérise les victimes, ici,
c’est leur volonté d’échapper à une condition sociale, quitte à accepter de se
prostituer pour y parvenir. Mme Rotaru, psychologue dans une ONG qui travaille
sur la prévention et la réinsertion des victimes de traite à Craiova
(Roumanie), confirme ce point. La plupart des jeunes filles qu’elle a suivies,
furent piégées par des jeunes hommes qui leur proposaient le style de vie
désiré. En majorité, d’ailleurs, elles furent repérées dans des discothèques et
des bars qu’elles fréquentaient pour échapper ponctuellement à un milieu
familial pesant. Lors de l’apparition d’un garçon incarnant l’argent facile,
les sorties ou la vie à l’étranger, elles se retrouvèrent totalement aveuglées.
La psychologue explique que, malgré les avertissements des professionnels sur
les risques encourus, ces adolescentes leur répondaient qu’elles préféraient se
prostituer pour suivre leur copain plutôt que de rester à la porte de
l’ascenseur social.
Cette quête du prestige suscite chez les professionnels et dans l’opinion
publique une incompréhension vis-à-vis des victimes et de leurs aspirations,
souvent idéalisées, pensées comme nécessairement non consentantes. L’attirance
pour la réussite matérielle vient sûrement pallier des manques affectifs mais
doit aussi être interprétée comme une volonté, qui traverse toutes ces
sociétés, d’un besoin de reconnaissance particulièrement exacerbé. Cette
volonté d’échapper à sa condition, quelque soit le moyen, traduit ce désir
d’être reconnue dans un milieu où tout semble fermé. Lors des prises en charge
en France, en Italie ou ailleurs par des foyers ou des familles d’accueil, ces
adolescentes démontrent des capacités d’adaptation et de volonté étonnantes
provenant de leur désir initial d’accéder à un statut plus élevé grâce, cette
fois-ci, à l’obtention d’un métier et donc de revenus.
Conclusion
L’exploitation sexuelle en Europe de l’Ouest a connu de profondes mutations
au cours de ces 20 dernières années. Les grandes organisations criminelles se
sont réorientées en partie vers le trafic de drogue, le trafic de cigarettes,
le trafic de migrant, l’immobilier, etc., laissant la place à des
micro-organisations ayant davantage recours à des formes de manipulation
psychologique qu’à la violence. Ces changements ont rendu ce phénomène plus
difficile à combattre. En effet, les investigations sur ces micro-organisations
sont peu motivantes pour les enquêteurs car elles s’avèrent souvent aussi
complexes que celles concernant des groupes criminels plus structurés. Les
victimes sont prises dans les conflits de loyauté envers leur famille, leur
petit ami... Elles refusent donc de parler ou de porter plainte. Des longues
heures d’écoutes téléphoniques sont nécessaires, ainsi que des procédures
complexes de demande d’identification au pays d’origine… Ces difficultés
expliquent une certaine réticence des services spécialisés, dont les effectifs
sont restreints, à se lancer dans ces investigations avec, à la clé, des
résultats incertains et relativement limités. Les victimes d’exploitation
sexuelle sont alors considérées uniquement comme des prostitués pour justifier
cette non-intervention. Pourtant, conformément aux conventions internationales les
pays de l’UE se sont engagés à combattre le phénomène et à y consacrer des
moyens pour assister l’ensemble des victimes de traite des êtres humains. Des
solutions existent. Afin de favoriser l’identification des victimes, la
création d’une agence, indépendante des enquêtes pénales, chargées d’évaluer la
qualité de victime de traite des êtres humains a montré son efficacité. Par
ailleurs, en l’absence de garanties suffisantes de protection, l’obligation de
coopérer avec la Police, présente dans la plupart des Etats afin de pouvoir
bénéficier du statut de victime, est souvent rédhibitoire.
Si ces recommandations ont été maintes fois rappelées aux Etats et ont fait
preuve de leur efficacité dans les rares pays où elles ont été appliquées (Royaume
uni et Italie), les réticences à les mettre en place tout comme l’application
très partielle de la directive UE/2011/36 montre que la volonté politique dans
la plupart des pays d’Europe de l’Ouest est absente. L’obligation de protection
des victimes de traite des êtres humains fait craindre aux Etats l’ouverture
d’une voie de régularisation de l’immigration clandestine. Cette vision
souligne en creux que l’exploitation sexuelle est considérée comme un phénomène
touchant uniquement des personnes immigrées issues de pays pauvres. Or,
contrairement à l'image véhiculée, la traite des êtres humains, mineurs /
majeurs confondus, n’est pas caractérisée par l’extranéité des victimes. Aux Pays-Bas,
au Royaume Uni comme en Allemagne, d’après les statistiques officielles, les
victimes adultes les plus touchées par ce phénomène sont des nationaux. Si ces
chiffres sont à nuancer en raison des garanties dont disposent ces victimes
lors d’un dépôt de plainte, ils signifient que la traite ne se limite pas à
certaines catégories sociales jugées marginales. Tout comme les violences
faites aux femmes ont fini par être reconnues comme un phénomène pouvant être
présent dans toutes les couches de la société,
l’exploitation sexuelle des enfants, des femmes et des hommes, pour être
véritablement combattue, nécessitera d’être considérée comme un enjeu sociétal.
Bibiliographie
Jelena Bjelica, Prostitution : l’esclavage des filles
de l’Est, Paris, Le Courrier des Balkans/Editions Paris-Méditerranée,
Paris, 2005.
Mălin Bot, Mafia Camătărilor, Humanitas, Bucarest, 2004.
Danielle Bousquet et Guy
Geoffroy, Rapport d’information n°3334, Prostitution l’exigence de
responsabilité. En finir, avec le mythe du « plus vieux métier
du monde », Assemblée nationale, Paris, 2011.
Carmel Camillieri (dir.), Stratégies identitaires, PUF, Paris,
1990.
Philippe Chassgne, Kolë Gjeloshaj,
« L'émergence de la criminalité organisée albanophone », In Cahiers d'Etudes sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, 2001.
M.Chimienti, « Prostitution – une
histoire sans fin ? », In Sociétés,
n° 99, p. 11-20, Paris, 2008.
Ivan Čolović, Le Bordel
des Guerriers, Non lieu, Paris, 2009.
Yvonne Debeaumarche,
Film-documentaire Trafic, Producteurs : ARTE France, DOC EN STOCK, 2008.
Jean-Arnault
Dérens, « les Balkans Paradis de la mafia ? », In La Libre
Belgique, édition du 3/02/2009.
J-F Gayraud Le Monde des mafias, Odile Jacob, Paris, 2008.
Leslie Holmes, « Crime, organised crime and corruption in
post-communist Europe and the CIS », Université de Melbourne, Victoria,
2009.
Milena Jaksic, « Figure de la victime de la traite
des êtres humains : de la victime idéale à la victime coupable », In
Cahiers internationaux de sociologie, vol. 124, pp. 127-146,
Paris, 2008.
Victor
Malarek, The Natashas, The new Global Sex
Trade, Westwood Creative Artists Ltd, Toronto, 2003.
Norbert
Mappes-Niediek, Balkanska mafija, Dražve
u rukama zloćina : opasnost za Europu, Durieux, Zagreb, 2003.
Olivier Peyroux, Délinquants et victimes, la trait
des mineurs d’Europe de l’Est en France, Non lieu, Paris, 2013.
ALC (Accompagnement Lieux
d'Accueil Carrefour), Etude Feed Back,
Projet Daphné II sur des femmes victimes d’exploitation sexuelle dans 5 pays
d’Europe, Nice, 2008.
Amnesty international « Mais
alors, on a des droits ? » La traite
des femmes et des jeunes filles
prostituées de force au Kosovo : protéger leurs droits fondamentaux,
Serbie et Monténégro (Kosovo), 2004.
ANITP (Agenţia Naţionala împotriva traficului de persoane) Aspecte privînd fenomenul traficului de femei în România, Bucarest,
2009.
Center
for the study of democracy Organized crime in Bulgaria : Market
and Trends, , Sofia, 2007.
[1] Le GRETA est chargé de veiller à la mise
en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite
des êtres humains, en vigueur dans 34 pays en Europe.
[2]
D’après les statistiques fournies par le MOI/CIS (Ministère de l’Intérieur
autrichien).
[3] Ministry
of Health, Social Services and Equality (2012). III monitoring report on the Integral Plan against trafficking in Human
Beings with Sexual Purposes. Year
2011. P. 37.
[4]
Rapport 2013 de l’OCRETH (Office central pour la répression de la traite des
êtres humains).
[5]
Rapport annuel du Bundeskriminalamt,
BKA, les mineurs représentent 17% de l’ensemble des victimes identifiées en
Allemagne. Parmi les victimes mineures : 35 sont de nationalité allemande,
12 bulgares, 8 roumaine, 6 Hongroises et 3 nigériane.
[6]
Si les programmes d’assistance en Italie sont financés par l’Etat à 80% (art.
13 et 18), l’identification passe en grande partie par le travail des ONG qui
sont dépendantes des fonds des municipalités et des régions.
[8] NCA
Strategic Assessment, the Nature and Scale of Human Trafficking in 2013. Version number v1.1 authoring department/team
: NCA OCC UKHTC, Septembre 2014
[9] Traduction
non officielle de “The combination of
the end of hostilities and the arrival of relatively rich peacekeeping
operation personnel drove the hasty establishment of brothels and, in turn,
founded the links between UNMIK personnel and trafficking syndicates. Within
this observation lies the most significant challenge, then, to the peacekeeping
operations in regards to trafficking - the fact that peacekeepers are often
part of the problem. “
[10]
Limanowska, Barbara. Trafficking in
Human Beings in Southeastern Europe. Belgrade: UNICEF, 2002
[11] Human
Rights Watch World Report, 2001.
[12] Sex Trafficking:
The Impact of War, Militarism and Globalization in Eastern Europe
By Vesna Nikolic-Ristanovic, Ph.D., Faculty for Social Education and Rehabilitation, Belgrade University, Victimology Society of Serbia, Serbia and Montenegro
By Vesna Nikolic-Ristanovic, Ph.D., Faculty for Social Education and Rehabilitation, Belgrade University, Victimology Society of Serbia, Serbia and Montenegro
[13] Victor Malarek, The Natashas, The new Global Sex Trade, Westwood
Creative Artists Ltd, Toronto, 2003.
[14]
Voir le rapport d’Amnesty international de 2004 Serbie et Monténégro (Kosovo) :
« Mais alors, on a des droits ? » La
traite des femmes et des jeunes filles prostituées de force au Kosovo :
protéger leurs droits fondamentaux ; qui indique que la
fréquentation par les personnels civils et militaires des organisations
internationales représentaient 80% du chiffre d’affaire de ces établissements.
Engager des poursuites contre ces expatriés aurait donc porté un sacré coup à
la rentabilité de ce trafic.
[15]
Cette présence de groupes criminels kosovars en Suisse et en Allemagne fut
stimulée par les besoins de financement des institutions parallèles mises en
place par les albanophones, dès les années quatre-vingt, pour lutter contre le
contrôle de Belgrade sur la Province. Considérés comme patriotiques, ces
groupes qui récoltaient l’argent de la diaspora et servaient de banque
parallèle ont lentement basculé vers la criminalité et le trafic de drogue,
notamment ceux proches de Xhavit Haliti et Hashim Thaçi, soutenus par les
gouvernements occidentaux.
[16]
Information recueillie lors d’un entretien effectué en 2011 auprès d’un des
enquêteurs.
[17]
Entretien en 2013 avec un magistrat spécialisé dans les enquêtes sur les
sex-tours à Bordeaux.
[18] Extrait de
l’article « Catalogne : un sordide réseau de proxénètes
démantelé » In Métro, édition française du 21/02/2013.
[19]
Les autres formes qui sont devenues minoritaires sont la tromperie (fausse
promesse d’embauche, etc.) ou la contrainte de type familiale, exercée par des
membres de la famille ou de la belle-famille.
[20]
Etude « Feed Back » réalisée par l’ALC (Accompagnement Lieux
d'Accueil Carrefour) de Nice dans le cadre du projet Daphné II sur des femmes
victimes d’exploitation sexuelle dans 5 pays d’Europe.
[21]
Ce nombre nous a été indiqué par plusieurs personnes de la communauté, ainsi
qu’une ONG travaillant avec les proxénètes.
[22]
« Le trafic des femmes : une perspective sociologique », In
Visible mais peu nombreux, sous la direction de Dana Diminescu, Maison
des Sciences de l’Homme, Paris, 2003.
[23]
Voir, par exemple, l’étude, de l’ANITP (agence nationale roumaine pour la lutte
contre le trafic) Aspecte privînd fenomenul traficului de femei în România, Bucarest 2009, qui met en avant le faible niveau
d’éducation comme principale cause d’exploitation.