Mineur(e)s nigérianes et originaires des Balkans en
situation de traite
Regards pluridisciplinaires sur les processus
d’asservissement et les échecs de la protection
Article paru dans Revue Internationale des Migratins Internationales
Bénédicte Lavaud-Legendre – Chargée de recherches – Juriste - CNRS UMR
5114 – COMPTRASEC – Université de Bordeaux
Olivier Peyroux – Sociologue – spécialiste des Balkans.
L’identification
et la répression des pratiques criminelles qualifiées de traite des êtres
humains a considérablement évolué depuis les années 90. Ces pratiques commencent
à être mieux comprises, identifiées et de ce fait sanctionnées par les
juridictions pénales. Néanmoins, malgré ces progrés – qui restent relatifs -, la
question de l’exploitation des mineurs demeure largement méconnue et ignorée par les institutions qu’il s’agisse des jeunes femmes
nigérianes exploitées dans la prostitution ou d’enfants originaires des Balkans
commettant des actes de délinquance pour le compte de tiers. Or, malgré de
réelles divergences, certains éléments rapprochent ces pratiques : modes de
contrainte exercés, fausses identités, difficultés de prise en charge, facteurs
favorisant la sortie de l’exploitation,… Freiner le développement de ces
pratiques implique une meilleure connaissance et compréhension des stratégies
criminelles et d’emprise. Le présent article vise précisément à améliorer cette
compréhension pour amorcer une réflexion sur la prise en charge des mineurs
victimes de TEH actuellement inexistante.
Identification and suppression of the criminal practices
categorized as human trafficking has evolved considerably since the 90s. These
practices are better understood and identified and therefore they are
sanctioned more strongly by the criminal courts. Nevertheless, in spite of this
progress - which is only relative - , the issue of exploitation of children whether
concerning Nigerian young women exploited in prostitution or children from the
Balkans involved in delinquency for the account of third parties, remains
largely unknown and ignored by the institutions. Beyond certain differences, some elements
are common to all these practices: the type of constraints, the false
identities, the difficulties in providing care, the factors helping their
freeing from exploitation… Countering these practices necessitates better knowledge
and understanding of the criminal strategies and of the strategies of control.
The aim of this paper is to improve this knowledge and thus help setting up a
debate - largely absent at the present - on the provision of care for children
victims of human trafficking.
Depuis les
années 90, les pratiques criminelles qualifiées de traite des êtres humains ont
connu diverses mutations : diversification des origines géographiques, développement
des formes d’exploitation, abaissement de l’âge des victimes... Ces
transformations majeures constatées au quotidien par les autorités judicaires
et policières des pays d’Europe de l’Ouest ne se sont pas accompagnées d’une adaptation,
pourtant nécessaire, des dispositifs de protection des victimes. Au lieu d’être
interprétées comme des stratégies des auteurs visant à minimiser le risque
pénal et à accroître la docilité des victimes, elles furent souvent perçues par
les autorités comme une conséquence de pratiques communautaires archaïques pour
lesquelles la protection de l’enfance, serait impuissante.
Comparer la
situation de mineurs originaires des Balkans, exploités dans la délinquance,
avec celle de jeunes filles originaires du Nigéria en situation de prostitution
pourrait constituer une gageure tant ces types d’exploitation s’ancrent dans
des contextes culturels, géographiques ou sociaux distincts. Pourtant, au-delà
des différences, un certain nombre de points communs unissent ces situations et
font ressortir des mécanismes psychologiques, sociologiques et criminels
analogues qui relèvent d’une même qualification juridique : la traite des êtres
humains.
Depuis 2000, le
protocole de Palerme[1] définit la traite des
êtres humains comme le fait de recruter, transporter, héberger une personne en
vue de l'exploiter et en ayant recours à des moyens entravant son consentement.
Ce dernier critère n’est pas nécessaire lorsque la victime est mineure :
le seul fait de la recruter (…) en vue de l’exploiter suffit à consommer
l’infraction[2].
En droit interne,
depuis la loi du 5 août 2013 (n° 2013-711), l'article 225-4-1 du Code pénal
incrimine sous la qualification de traite des êtres humains le fait « de
recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger, de
l'accueillir, à des fins d’exploitation », dans l’une des circonstances
définies par le texte[3]. Conformément au Protocole
de Palerme, la caractérisation de ces circonstances (emploi de la violence, de
la menace, abus d’autorité, abus d’une situation de vulnérabilité) n’est pas
nécessaire lorsque les faits sont commis à l’égard d’un mineur[4]. L’exploitation est
définie comme le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition
d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette
personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles,
de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés,
de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes,
d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement
contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à tout crime ou délit.
Même si nous ne
connaissons aucune étude permettant de quantifier le phénomène, on peut
affirmer que les faits ainsi désignés ont pris une réelle ampleur depuis le début
des années 1990 pour ce qui est des jeunes femmes nigérianes se prostituant en
Europe à l’issue de leur parcours migratoire[5]. Si l'Italie a constitué
le premier pays de destination de ces jeunes femmes, elles sont à ce jour
repérées dans l'ensemble des pays européens et notamment, la France, l'Espagne,
l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Grande-Bretagne.
Pour les mineurs
originaires des Balkans forcés de commettre des délits, les premières affaires
remontent au début des années soixante-dix en France, en Allemagne, en Autriche
et surtout en Italie. En 1984, l’affaire dei
bambini argati marque la prise de conscience du phénomène dans sa
complexité[6] par les autorités
italiennes. Dans le reste des pays d’Europe de l’Ouest, malgré la présence de
situations similaires, cette forme de traite fut occultée jusqu’aux années
2000. Cette date correspond à une augmentation du nombre d’affaires et à
l’apparition de nouveaux modi operandi
suscitant l’intérêt des médias. Les nombreux reportages, à cette époque, sur
les jeunes garçons roumains contraints de piller les horodateurs parisiens en
sont une illustration.
L’une des
différences apparentes, mais qui procède d’une même stratégie d’invisibilité,
entre l’exploitation des jeunes nigérianes et celle des mineurs originaires des
Balkans, tient à la manière dont ils se présentent. Les réseaux nigérians
incitent les filles à cacher aux autorités leur minorité, car ils craignent
qu'elles ne soient prises en charge par les services sociaux en leur qualité de
mineures isolées ce qui, en les soustrayant à leur influence, leur ôte par
là-même leur source de revenus. Elles se disent donc presque systématiquement
majeures.
A l’inverse, les
jeunes filles et garçons originaires des Balkans interpellés en flagrant délit
de vol déclarent un âge inférieur à 13 ans afin d’échapper aux poursuites
pénales. Pour compliquer le travail d’identification, ces mineurs sont également
sommés par leurs exploiteurs de refuser toute technique destinée à faciliter
leur identification comme la prise d’empreintes digitales, la déclaration du
nom de famille véritable, etc.
Concernant les
mineures nigérianes, les données exposées résultent d'une étude réalisée entre
2009 et 2011, financée par le GIP Mission Droit, recherche justice, et au cours
de laquelle des entretiens de type semi directif ont été réalisés avec 21 nigérianes
s’étant prostituées en France. Ces personnes ont été rencontrées par
l'intermédiaire d'associations spécialisées dans l’accompagnement des femmes
prostituées. Une présélection a donc été effectuée par lesdites structures, ce
qui constitue incontestablement un filtre, mais s’avère dans le même temps être
une condition de la faisabilité de ce type d’entretiens. La totalité des
personnes disaient ne plus être sous la coupe de personnes tirant profit de
leur prostitution. Parmi elles, 18 ont donné l’âge qu’elles avaient
lorsqu’elles ont quitté leur pays, et seules deux disent avoir été mineures à
cette époque-là (17 et 16 ans et demie).
Cette très
faible proportion de jeunes filles mineures peut sembler étonnante par certains
côtés.
En effet, en
2009 l'agence nigériane pour l'interdiction de la traite des êtres humains, le
NAP TIP, a indiqué que 46 % des Nigérians victimes de trafic transnational sont
des enfants, parmi lesquels la majorité était dans un trafic en vue de son
exploitation sexuelle[7]. De leur côté, les acteurs
associatifs interrogés dans le cadre de l'enquête disent avoir la conviction
que bon nombre des jeunes filles nigérianes sont mineures lors de leur arrivée
dans le lieu de destination.
Deux éléments
peuvent expliquer ces divergences.
On peut d’une
part s'interroger sur la fiabilité des informations données par les personnes
sur cette question. L'âge et l'identité peuvent en effet faire partie des éléments
sur lesquels a porté la promesse de ne pas parler, promesse effectuée par la
jeune fille avant de migrer et dont la violation est susceptible de faire
l’objet de sanctions de type surnaturel[8].
D’autre part, il
existe semble-t-il une certaine évolution allant dans le sens d’un
rajeunissement des personnes exploitées. Or les jeunes filles entendues dans le
cadre de l'étude précitée, sont dans leur majeure partie arrivées il y a
plusieurs années, ce qui s'explique par les critères de sélection des personnes
entendues. Avant qu'une jeune femme n'accepte de livrer son parcours à un
chercheur, c'est-à-dire un inconnu, il est nécessaire qu'elle soit dans une
relation de confiance instaurée depuis longtemps, avec celui ou celle qui lui
demande de raconter son histoire.
Une fois
identifiées ces difficultés, on peut retenir que l'âge moyen d'arrivée des 18
personnes ayant donné cette information était de l'ordre de 21 ans et 2 mois.
Sur les 8 personnes arrivées entre 2008 et 2010, il était de 20 ans et 3 mois.
Si ces éléments portent sur un trop faible nombre de cas pour présenter une
réelle valeur statistique, on peut néanmoins considérer qu'il semble compatible
avec un rajeunissement de l’âge d’arrivée des personnes sexuellement
exploitées.
S’agissant des mineurs
originaires des Balkans les données proviennent essentiellement des jeunes
rencontrés et suivis lors de la pratique professionnelle d’Olivier Peyroux[9] à l’association Hors la
Rue et à l’Unité éducative auprès du tribunal de Paris entre 2007 et 2011.
Concernant les mineurs roumains, en moyenne, leur nombre était de 150 par an
suivis c’est-à-dire ayant fréquenté l’association dans le cadre de rendez-vous
éducatifs. Parmi eux, ceux en situation d’exploitation représentaient, suivant
les années entre un tiers et 50% de l’effectif total. A la différence des
Nigérianes exploitées sexuellement ou des mineurs d’ex-Yougoslavie forcés à
commettre des vols dans le métro, chez les mineurs roumains, l’hétérogénéité
des situations fait que la forme que semble prendre l’exploitation n’est pas un
critère suffisant pour en déterminer sa nature réelle. Parmi deux enfants
volant des téléphones portables à la terrasse des cafés, l’un peut agir pour
son compte alors que l’autre sera contraint par des tiers. Pour contourner
cette difficulté, les données sur les actes commis ont été croisées avec les
villes et villages de provenance. Si cette méthode n’est pas exempte de biais,
elle est basée sur l’observation[10] du fonctionnement des
structures criminelles roumaines qui recrutent essentiellement sur une base
locale et communautaire.
Pour cet article,
l’analyse portera sur trois types d’organisations spécialisées dans la traite
d’enfants présentes en France prenant la forme d’incitation à commettre des
vols :
-
les groupes originaires de Serbie spécialisés dans les
cambriolages dont l’échantillon est de 17 jeunes filles et 1 garçon,
-
les groupes originaires de Bosnie-Herzégovine dits
« Hamidovic » dont l’échantillon est de 38 jeunes filles et 3
garçons,
-
les groupes originaires de Roumanie dits «
Tandarei » dont l’échantillon est de 33 garçons et 13 filles.
L’article va
montrer que les techniques d’asservissement utilisées pour les enfants des
Balkans incités à commettre des délits (I) et les méthodes d’emprise psychologique
utilisées pour soumettre les jeunes femmes nigérianes à la prostitution (II) aboutissent
à un même constat : les dispositifs étatiques peinent à assurer une protection
effective des enfants victimes de traite des êtres humains (III).
I – Les techniques
d’asservissement des mineurs utilisés pour commettre des délits
Avant d’identifier les facteurs sociopolitiques ayant favorisé la
formation de groupes criminels exploitant les mineurs (B) et les contraintes
mises en œuvre (C), il convient de distinguer la problématique des « Roms
migrants » de la question de la traite des mineurs y compris lorsque ces
enfants sont Roms (A).
A - Nécessité de distinguer la
traite des mineurs de la problématique des Roms dits « migrants »
En France, les minorités ethniques et religieuses ne sont pas reconnues
officiellement. Il n’y a donc pas de statistiques sur le nombre de Roms
d’Europe de l’Est venus en France avant et après la chute du mur de Berlin.
Pour pallier cette absence de données, les
pouvoirs publics et les associations ont comptabilisé les personnes
vivant dans des bidonvilles dont le nombre avoisine les 20 000 pour la France
entière[11]. Cette population,
appelée maladroitement « Roms migrants » ou « Roms », ne
comporte pas que des Roms ou des personnes de nationalité roumaine et bulgare.
Il s’agit plutôt d’une catégorie sociale désignant des familles pauvres, vivant
en bidonville et peinant à s’insérer sur le marché du travail.
La stratégie de
certains groupes criminels, comme ceux issus de la petite ville de Tandarei
située à l’Est de la Roumanie, consiste à s’installer dans des bidonvilles en
France au milieu de familles précaires afin de compliquer les investigations
policières. Cette méthode a tendance à jeter l’opprobre sur l’ensemble des
personnes vivant dans ces conditions perçues comme Roms. Politiquement, la
présence de ces activités d’exploitation de mineurs est régulièrement instrumentalisée
afin de réaffirmer l’autorité de l’Etat grâce à la mise en scène d’opérations
de police fortement médiatisées[12] ayant pour objet le
« démantèlement de camps[13] ».
S’agissant des groupes
familiaux ex-yougoslaves utilisant des mineurs dans des activités délictuelles,
très peu d’entre eux sont installés en bidonville. En majorité, ils vivent en
appartement ou en maison et ne souhaitent pas être confondus avec des Roms
roumains. En revanche, face aux autorités judicaires, l’étiquette commune
« rom » est utilisée pour mettre en échec le système pénal. Les
enfants, bien que maîtrisant la plupart du temps le français, sont forcés de ne
parler que le romani[14] pour compliquer le
travail de la justice tenue de recourir à des interprètes dont le nombre
demeure très limité. De même, les exploiteurs, pour justifier l’asservissement
de leur « belle-fille », invoquent régulièrement la tradition rom
comme cause explicative créant une confusion chez les professionnels de
l’enfance sur la réalité de l’exploitation de ces jeunes filles.
Si par leurs
stratégies, ces organisations donnent matière à l’instrumentalisation politique
de la « question rom » où criminalité et problématique sociale
semblent volontairement confondues, il convient de bien séparer la question
sociale des personnes vivant en bidonville des situations des enfants utilisés pour commettre des vols,
limitée à quelques groupes criminels de taille variable. Pour évacuer les risques
d’amalgame, les rares données disponibles aident à mieux délimiter le sujet. En
Île-de-France, les services de police spécialisés[15] estiment entre 400 et
600 enfants dits « roms » contraints de voler. Cette estimation est en partie
corroborée par les données de l’UEAT (Unité éducative auprès du Tribunal) de
Paris qui précise, dans son rapport annuel 2012, que le nombre de mineurs
roumains déférés en 2011 serait environ de 200 jeunes[16].
À
titre indicatif, comparé au nombre d’enfants recensés dans les bidonvilles sur
le même territoire, environ 6 000[17],
et malgré tous les biais que comportent ces données[18],
la proportion de mineurs incitée à commettre des délits se situerait entre 3 et
10 %. Si en valeur absolue ce nombre d’enfants, correspondant uniquement à la
région parisienne, nécessite que des mesures de protection soient prises au
plus vite, en creux, ces chiffres viennent confirmer que dans au moins 90% des
situations, les mineurs vivant dans les bidonvilles, roms et non roms, ne sont
pas victimes de réseaux criminels ou exploités par leurs parents.
B - Changements sociopolitiques et processus de formation des groupes
criminels exploitant les mineurs
A la fin des années soixante, les accords passés par Tito pour répondre
au déficit de main d’œuvre des pays occidentaux entraînèrent une migration en
Europe de l’Ouest parmi l’ensemble des couches de la société yougoslave. Les
Roms, au même titre que les autres, s’inscrivirent dans ces mouvements sans que
leur comportement diffère. Parmi eux, quelques groupes, de religion orthodoxe,
originaires du Kosovo ou de la vallée de Presovo, en bas de la pyramide
sociale, privilégièrent une migration de type familial. Davantage repliés sur
eux-mêmes, maîtrisant mal les codes des pays d’accueil, ils s’installèrent dans
des activités dites de « débrouille économique » tels que la
mendicité, la vente de fleurs ou des petits trafics[19]. Si la majorité de ces
familles accédèrent, au bout de quelques années, à un travail légal, quelques-unes
d’entre elles se professionnalisèrent, d’une génération à l’autre, dans des
activités liées à l’exploitation d’enfants tout en maintenant des liens
communautaires importants.
Chez les groupes dits « Hamidovic[20] », originaires de
Bosnie-Herzégovine, si le processus de formation fut semblable[21], à la différence du
groupe précédent, la guerre qui toucha cette région (1992-1995) va fragiliser durablement
les familles roms de Prijedor, Sarajevo ou des environ des Banja Luka. Ces
localités où résidaient la majorité des Roms de Bosnie firent l’objet de
nettoyage ethnique sur une base confessionnelle. Leurs origines musulmanes les
désigneront comme une cible privilégiée des Serbes (orthodoxes) et des Croates
(catholiques) sans que les Bosniaques (musulmans) soient solidaires de ces
populations considérées avant tout comme cigani
(Roms). L’exode de ces familles, notamment vers l’Italie, et la présence de
nombreuses mères seules avec enfants vont faciliter les recrutements de mineurs
dépassant le simple jeu des alliances familiales. Les quelques clans inscrits
dans des activités criminelles vont rapidement se structurer pour être en capacité
de contrôler un plus grand nombre d’enfants. Comme l’a révélée l’enquête[22] bien qu’au sommet de
l’organisation les familles dirigeantes possédaient toutes des liens de
parenté, le recrutement d’adolescent(e)s fut sur une base communautaire large
débordant le cadre de la famille élargie.
Concernant la Roumanie, le démantèlement de l’industrie à la suite de la
chute du régime de Ceausescu entraîna une disqualification d’une grande partie
des populations roms des campagnes et des petits centres urbains. A la
différence de leurs voisins roumains, les Roms situés dans les zones rurales, furent
exclus de la redistribution des terres enclenchée au début des années 1990. La
cause principale fut l’absence de droit à la propriété foncière, sous les
régimes précédent l’ère communiste pour un certain nombre de minorités
ethniques et religieuses dont les Roms.
Dans les petites villes les
quartiers roms, regroupant des travailleurs peu qualifiés, furent durement
touchés par le chômage. Le quartier de Strachina, séparé du reste de la petite
ville de Tandarei (12 000 habitants) par une voie ferrée est un produit de ce
processus. Abandonnées par les pouvoirs publics, quelques familles se
laissèrent convaincre, dans les années 2000, d’accepter des prêts à des taux
usuraires proposés par des Roms plus aisés de Tandarei partis travailler au
début des années 90 dans des usines de la banlieue londonienne. Incapables de
rembourser leurs emprunts, ces familles acceptèrent pour diminuer leurs dettes
de confier leurs enfants aux usuriers pour une période donnée. C’est à ce
moment, en 2004, que les premières affaires d’exploitation d’enfants (vol et
mendicité forcée) liées aux mineurs de Tandarei apparurent à Londres. En
France, c’est seulement en 2009 que ce groupe fit son apparition en se
spécialisant dans le vol aux distributeurs automatiques de billets.
C - Contrainte et détournement de fonctionnements communautaires
L’émergence de ces organisations s’explique par les changements
sociopolitiques majeurs de cette région. Leur maintien provient des stratégies
utilisées pour transformer la période d’exploitation en une étape considérée par
les victimes comme nécessaire pour accéder à une reconnaissance familiale et sociale.
Le groupe de
Tandarei, comme expliqué précédemment, a commencé à exploiter des enfants par
un mécanisme de dette contractée par leurs parents appelé camata. Cette contrainte, qui n’a rien de culturel, n’a pas permis
une loyauté totale des victimes. Loin de leur famille, quelques enfants confiés
pour mendier au Royaume-Uni se présentèrent à la Police. Ces premiers
témoignages servirent à lancer une série d’arrestations contre les auteurs. Afin
de mieux protéger l’organisation, les familles du quartier de Strachina furent
intégrées au réseau, à charge pour elles de migrer dans divers pays d’Europe de
l’Ouest pour encadrer directement leurs propres enfants tout en ayant comme
obligation de reverser une « taxe » chaque mois à l’une des branches
du réseau. Cette nouvelle stratégie a conduit les parents à pousser leurs enfants
à ramener davantage d’argent car, une fois la somme due acquittée, le reste
leur appartenait. Aux alentours de quatorze, quinze ans ces mineurs victimes
devenus adolescents s’affranchissent de leur famille tout en étant toujours
soumis financièrement à l’organisation. Ils se mettent donc partiellement à
leur compte en souhaitant démontrer avec l’argent récolté par le vol leur
prestige social à travers l’organisation de noces somptueuses, l’achat d’une
voiture, d’une maison, etc. Une concurrence entre familles s’instaure où chacune
souhaite afficher par ses possessions matérielles et sa capacité à dépenser
sans compter son statut social privilégié.
Chez les
groupes dits « Hamidovic », les victimes proviennent d’horizons très
variés. Certains enfants sont nés au sein de l’organisation, leur mère était
déjà pickpocket en France ou en Italie. D’autres sont issus de familles ayant
trouvé refuge en Europe de l’Ouest pendant la guerre. Enfin quelques-uns sont
recrutés directement en Bosnie dans les nouveaux quartiers roms improvisés de
Tuzla ou de Sarajevo. Le point commun entre ces enfants est surtout d’avoir
intégré l’organisation pour cause de rejet par leur famille. Le scénario
classique observé par les associations bosniennes est le suivant : suite à
une séparation ou à la disparition du mari, un remariage a lieu. Le beau-père,
n’acceptant pas les enfants de la précédente union, fait pression sur sa
nouvelle femme pour qu’elle s’en sépare. Ces mineurs sont alors confiés à des
tiers les obligeant à travailler pour l’organisation. En l’absence de toutes
perspectives de retour dans leur famille biologique, le clan qui les exploite
devient alors la nouvelle parenté. Ces liens sont ensuite renforcés par des
unions matrimoniales. Lors des enquêtes de terrain effectuées auprès de ces
jeunes filles, ces adolescentes parlaient toujours de leurs cousines pour
désigner les autres filles avec lesquelles elles allaient voler. Leur chef, Fehim
Hamidovic, se présentait d’ailleurs comme leur père[23]. Ce sentiment d’une
famille retrouvée s’accompagne, au fur et à mesure, d’une possibilité de
carrière au sein de l’organisation. Les voleuses les plus habiles se voient
confier des responsabilités. Elles s’occupent de l’encadrement, de la formation
des nouvelles recrues ou du convoyage de fonds. Leur marge de manœuvre
s’accroît. Elles peuvent désormais garder une partie de l’argent pour elles.
Ces perspectives, bien que limitées en pratique à un petit nombre de victimes,
suffisent aux enfants pour considérer l’organisation comme la meilleure voie
pour prétendre à un avenir, à une famille, à une source de revenus.
Enfin, chez les
groupes originaires de Serbie, l’asservissement est calqué sur les rôles
familiaux traditionnels. Si
l’utilisation des jeunes filles pour des cambriolages est constatée avant leur
mariage, c’est une fois la noce passée que l’exploitation s’intensifie. Dès
l’enfance, la contrainte est intégrée à travers le devoir d’obéissance à sa
belle-famille. A cette règle s’ajoute, au moment de la noce[24], le versement d’une
contre-dot[25]
payée par la belle-famille aux parents de la jeune mariée. Ces éléments,
communs à de nombreux groupes roms, sont ici détournés pour soumettre ces
jeunes filles. La contre-dot, qui revêt normalement une dimension symbolique
censée démontrer l’attachement de la belle-famille à sa future bru, se
transforme en dette que la mariée devra rembourser par ses activités de
cambriolage. L’importance des montants versés allant parfois au-delà des
100 000 euros rend la perspective du divorce peu envisageable car elle
obligerait les parents de la mariée à rembourser la contre-dot perçue. Le
devoir d’obéissance à la belle-mère, dévolu normalement à l’apprentissage des
travaux ménagers, est utilisé pour enseigner à la jeune fille le discours à
tenir en cas d’arrestation. En dehors de ces aspects, la vie communautaire est
semblable aux autres familles non impliquées dans l’exploitation. Les
belles-filles participent à l’ensemble des événements familiaux. Elles
possèdent une vie sociale riche et sont donc liées à de nombreuses personnes
qu’elles ne souhaitent pas quitter en
abandonnant leur groupe pour un foyer de l’enfance. Leur asservissement, bien
que parfois très intense, est limité à une période donnée. Après quelques
années, l’impossibilité de se faire passer, aux yeux de la justice, comme
mineur va faire cesser l’exploitation. La belle-fille accède à un statut
familial plus confortable se préparant doucement à son futur rôle de belle-mère.
S’agissant des garçons dont l’asservissement est plus rare, l’emprise repose
davantage sur un mélange entre menaces de violences physiques et possibilité
d’accession rapide à des fonctions moins contraignantes et mieux rémunérées
tels que faire le guet, devenir chauffeur, etc.
La persistance
des deux groupes d’ex-Yougoslavie s’explique par leur capacité à proposer de
véritables perspectives d’avenir à leurs victimes. Par ce moyen, ils s’assurent
de leur loyauté pendant et après la période d’asservissement tout en
constituant, par le jeu des mariages et des naissances, un réservoir de futures
recrues conditionnées pour servir sans trahir les intérêts des personnes les
exploitant. L’apparition récente du groupe de Tandarei empêche de juger leur
capacité à maintenir, à moyen terme, leurs activités criminelles liées à
l’exploitation d’enfants. Certains emprunts aux groupes précédents, notamment le système de la contre-dot
détourné en servitude pour dettes, témoignent cependant de leur souhait de
continuer à se perfectionner afin de pouvoir utiliser des mineurs sans être
inquiétés par les autorités.
Si les modes de contrainte identifiés chez les jeunes nigérianes sont
différents, on constate néanmoins une même volonté d’instaurer un lien de
dépendance entre la jeune exploitée et ceux qui en tirent profit.
II –La majorité prétendue des nigérianes sous
emprise
Il semble que l’on
assiste depuis quelques années à une évolution du profil des jeunes filles nigérianes
se prostituant : recrutées de plus en plus jeunes, elles proviennent également
plus fréquemment de régions rurales, moins ciblées par les campagnes de
prévention[26].
Néanmoins, il en
va de la rentabilité de l’opération qu’elles soient considérées comme majeures.
Si les jeunes filles sont identifiées comme mineures, elles risquent d’être
prises en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance et d’échapper à
ceux qui veulent en tirer profit. En outre, le fait de recourir aux services
d’une prostituée mineure étant pénalement répréhensible[27], il est à craindre que
les clients refusent de recourir aux services de ces jeunes femmes, ce qui pourrait
alors diminuer les gains escomptés.
Aussi, de
véritables stratégies d’emprise sont mises en œuvre pour empêcher les jeunes
filles de se dire mineures.
On entend par
emprise, un mode de relation qui vise la négation de la qualité du sujet, soit
l’objectivation de la personne. « L'emprise traduit donc une tendance très
fondamentale à la neutralisation du désir d'autrui, c'est-à-dire à la réduction
de l'altérité, de toute différence, à l'abolition de toute spécificité, la
visée étant de ramener l'autre à la fonction et au statut d'objets entièrement
assimilables[28]
».
Des agissements
visant à neutraliser les capacités de résistance des victimes sont identifiés
avec une réelle constance. Ils visent à empêcher les victimes d'exprimer une
volonté propre, ou de solliciter une aide extérieure, tout en leur faisant
croire qu'elles agissent librement. La réponse de chaque personne soumise à ce
type de pratiques dépend de sa propre histoire et de ses mécanismes de défense.
Or, les éléments
de définition des formes d'emprise identifiées dans les relations familiales[29] peuvent être appliqués à
la relation auteur / victime dans le contexte de la traite nigériane. Cela peut
s'expliquer par le parallèle existant entre l'inégalité parents / enfants et
celle identifiée entre la Madam et les jeunes filles exploitées (inégalité
économique, généalogique et sociale)[30]. Les mécanismes
permettant la mise en place de la relation d’emprise (A) seront donc identifiés
avant d’analyser les effets de ce type de pratiques (B).
A – La mise en
place de la relation d’emprise
Il serait faux
de présenter les jeunes femmes nigérianes sexuellement exploitées comme
particulièrement pauvres ou non éduquées ou encore comme ayant été enlevées par
la force et physiquement contraintes à quitter leur pays d'origine. La réalité
apparue dans la recherche conduite est tout autre.
Les principaux facteurs de
vulnérabilité à la traite envisagés et ayant fait l’objet d’une analyse sont la
profession des parents[31], le taux
d’alphabétisation[32], le niveau de
scolarisation[33]
et la situation familiale. Seule
l’existence d’une rupture dans la cellule familiale, que ce soit au sein du
couple parental ou entre les parents et les enfants est ressortie comme synonyme
de vulnérabilité face aux faits d’exploitation[34].
On peut penser
que la fragilisation engendrée par cette rupture que ce soit au niveau
psychologique, économique ou social facilite la réussite des stratégies
d’emprise des auteurs.
Dans bon nombre
de cas, les personnes exploitées étaient à l'origine candidates à la migration
ou, en tous cas, se sont laissées convaincre sans difficulté, attirées par un
avenir meilleur dans un pays européen. L'exploitation des jeunes nigérianes
repose dans l'immense majorité des cas sur un contrat conclu avec la Madam –
nom donné par les jeunes filles à celles qui les recrutent -[35] . La candidate promet de
s'acquitter du paiement d'une dette, de ne jamais dénoncer les faits subis à la
police, de ne jamais raconter son histoire, moyennant quoi, la Madam s’engage à
la faire venir en Europe. L’existence de ce contrat fait partie des trois
éléments intégrés dans la stratégie d’emprise : l’effraction (1), la
captation (2) et la programmation (3).
1) L’effraction
L’effraction
désigne « la pénétration par la force, l'incursion au-delà des limites d'un
territoire, elle représente le préalable à l'envahissement et à l'annexion,
c'est le début de la prise de possession »[36].
L’élément clé de
l’effraction résulte de la réalisation de rituels destinés à garantir
l'exécution du contrat. Les jeunes femmes, candidates à la migration,
participent fréquemment avant leur départ du Nigéria à des rituels de
sorcellerie qualifiés de « juju » dans cette région. Ces rituels,
couramment pratiqués avant un voyage, sont ici destinés à protéger les
migrantes au long de leur parcours. A Bénin City, dont sont originaires la
majeure partie des victimes, des personnages charismatiques se déclarent comme native doctors. Ils créent des lieux de
cultes consacrés à un ancêtre et attirent ainsi des fidèles. Les
« temples » consacrés à la déesse Ayelala sont particulièrement
actifs dans l’exploitation des jeunes filles dans la prostitution[37].
La souscription
du contrat s’accompagne de rituels qui constituent une forme de garantie. Les
entretiens réalisés permettent de décrire le mode opératoire suivant, les variantes
constatées portent sur des éléments secondaires. La jeune fille donne des
objets lui appartenant (tissu, mèche de cheveux, poils, ongles…), qui, au cours
de la cérémonie, vont être versés dans une sorte de vase, puis ingérés par
cette dernière ou éventuellement introduits sous la peau au moyen de
scarifications. Par cette pratique, la marque de la promesse est incorporée par
la future victime. La fille est prévenue : « si tu parles, la chose que tu
prends va te tuer ».
Le rituel est
effectué devant témoins, dont la présence révèle la dimension sociale de
l'engagement.
À un premier
niveau d'analyse, la dimension effractive du rituel ressort avec évidence : l’effraction
consiste dans le fait de s’installer sur le territoire de sa proie. La
réalisation des scarifications prépare ainsi l'emprise : « avec l’effraction,
le sorcier montre à la victime que son enveloppe percée et qu'elle ne peut plus
maintenir la différenciation entre soi et l'autre[38] ».
Or, l’effraction
survient au moment même où la victime promet qu'elle remboursera, qu’elle
restera fidèle à celle qui l’exploite, qu'elle ne révélera ni sa véritable
identité, ni son âge, ni parfois même son pays d'origine et qu'elle ne
dénoncera pas. C'est donc sur la base de la fragilisation de la personne suite
à l'effraction que les agissements pouvant relever de la captation vont être
accomplis.
2) La captation
La captation
renvoie au fait de s'emparer physiquement de quelque chose. En psychologie, il
s’agit de s’accaparer de façon exclusive d’une personne, de son affection.
Durant la phase de captation, la Madam use fréquemment de moyens de séduction
afin de donner le plus longtemps possible une apparence d'altruisme à des
relations guidées par le seul profit économique. Or, recevoir crée une dette. La
Madam s'occupe du visa, du passeport, du transport, et à l'arrivée de la
demande d'asile, de l'hébergement, de la nourriture et de la tenue de travail,
à charge pour la personne de rembourser. La solidarité qui unit ceux qui ont
réussi un processus migratoire aux nouveaux candidats joue donc un rôle
essentiel dans la réussite du projet[39]. Les Madams usent donc de
cette « solidarité » communautaire pour ancrer l'emprise. En se rendant
indispensables, elles transmettent l'idée qu'elles sont les seules sur lesquels
les victimes peuvent compter. Cette entraide constitue donc la contrepartie
plus ou moins explicite de la dette. Pour accroître les effets de la captation
et la dépendance de la victime à la Madam, cette dernière met fréquemment tout
en œuvre pour isoler la jeune femme de sa famille. Il lui est donc très souvent
interdit d’entrer en contact téléphonique notamment avec les siens sous peine
de représailles.
En outre, il a
été identifié que lors du recrutement des jeunes filles, une rencontre entre la
Madam et la famille de la jeune fille était très fréquemment organisée, ce qui
permettait de donner une réelle légitimité au projet migratoire à la famille de
la victime qui, en s’associant à la souscription de la dette, est par la suite
plus fréquemment en position de faiblesse pour conseiller à la jeune fille de
rompre le pacte. Les inégalités sociales et économiques constituent un facteur
compliquant considérablement toute remise en cause de l’accord conclu par la
victime et même sa famille.
3) La programmation
Enfin, la
programmation implique la création chez la victime d'un réflexe destiné à
l'empêcher de se libérer de l'instigateur. Il s’agit d’« introduire des
instructions dans le cerveau de l’autre pour induire des comportements
prédéfinis afin d’activer ultérieurement des conduites adaptées à une situation
ou un scénario anticipés[40]». Le mécanisme de
programmation peut reposer sur le recours à des violences. Plus les agressions
sont imprévisibles, moins la victime peut les anticiper, plus elle est
démotivée et se sent incapable de réagir. Parmi les 21 personnes rencontrées ayant
abordé cette question, 17 disent avoir été battues physiquement.
En outre,
nombreuses sont les jeunes filles rencontrées qui présentent la prostitution
comme constitutive en elle-même d'une forme de violence. « Pour moi c’est
violent ». « Je ne peux pas dire que j'ai été violée, mais quand on est vierge,
qu'on doit coucher avec des clients, on peut dire que c'est une forme de viol
». « Chaque client est une violence ». Les représentations négatives associées
à la prostitution accroissent la vulnérabilité de la personne dans sa relation
à la Madam.
Un certain
nombre d’éléments favorisent donc la mise en place d’une forme de dépendance
très forte entre la Madam et la mineure qui se prostitue impliquant une
négation de la qualité de sujet de cette dernière, conduisant directement à sa
réduction au statut d’objet.
B – Les effets
de la stratégie d’emprise
La mise en place
de l’emprise a pour effet de neutraliser toute velléité de résistance de la
victime : même si la possibilité matérielle lui en est donnée, la personne sous
emprise peine à se libérer. Cet élément est particulièrement important dans les
faits de traite puisque précisément les personnes exploitées ont souvent le plus
grand mal à dire ce qui leur arrive, même en face d’un interlocuteur en lequel
elles ont confiance et qui leur propose une porte de sortie. Un auteur indique
ainsi à propos de la torture : « Du fait de la douleur, de la fatigue
et de la terreur, des outils de pensée qui auraient permis de saisir
l'intentionnalité du tortionnaire ont momentanément fait défaut[41] ».
Cette sidération
de la pensée a été clairement exprimée au cours des entretiens avec les
personnes exploitées : « Tout ce qu'elle disait était dans ma tête. Je crois
qu'elle ne voulait pas que j'aie ma propre vie. Elle voulait que je sois son
esclave. J'ai fait des choses parce qu’elle me disait de les faire, mais je ne
pensais pas par moi-même. J'avais peur ». Une autre affirme : « à l'époque je
faisais ce qu'elle me disait de faire, c'est tout ».
Ce paramètre
explique que le lien entre la personne exploitée et celle qui l’exploite puisse
être relativement distendu d’un point de vue physique tout en restant très fort
d’un point de vue psychologique. Non seulement la personne sous emprise ne
parvient pas à se révolter, mais elle agit en fonction des injonctions qui lui
sont transmises ou qu’elle a intériorisées et qui proviennent de la personne
qui la gouverne.
Il ressort de la
confrontation entre les deux études, de réelles similitudes quant aux modes d’asservissement :
substitution d’identité, confiscation des papiers, recours à la violence
physique, détournement de règles communautaires à des fins criminelles en vue
de favoriser la loyauté à la famille ou au groupe d’appartenance[42]…
Les stratégies
de sortie de l’exploitation peuvent également être rapprochées. Elles peuvent
reposer sur l’ascension au sein du groupe par le recrutement de nouvelles
victimes, sur le fait de fonder une famille ou encore sur l’adhésion au modèle
institutionnel proposé dans le pays de destination[43].
Enfin, on peut
rapprocher la place d’une famille bienveillante parmi les facteurs
d’émancipation du groupe[44], même si cet élément
pourrait être discuté dans le contexte des mineurs commettant des actes de
délinquance.
Si les éléments
rapprochant ces formes de traite mériteront d’être approfondis dans le cadre
d’études ultérieures, les similitudes sont suffisamment importantes pour être
signifiantes.
Ce constat est d’ailleurs
pleinement cohérent avec l’existence d’un cadre juridique commun s’appliquant aux
diverses formes d’exploitation indépendamment de l’origine géographique des
personnes et donc des modalités spécifiques de l’emprise. Si de très nombreuses
difficultés peuvent être identifiées dans la prise en charge de ces mineurs
exploités, elles viennent autant des lacunes de ce dispositif que de la manière
dont il est appliqué.
III – L’ineffectivité des mesures de
protection
Dire que les
mineurs victimes de traite des êtres humains doivent être protégés de ceux qui
les exploitent semble être une évidence. Si cette affirmation transparaît en
droit français, la manière dont elle se décline concrètement fait apparaître
certaines lacunes. L’effectivité du droit implique que la règle énoncée soit
adaptée à la réalité qu’il tente de saisir. On peut donc s’interroger sur
l’adaptation du droit français de protection de l’enfance au contexte de la
traite. La confrontation du droit français strico
sensu à la Directive 2011/36/UE, montre les limites du premier.
Strictement, en
vertu de l’effet direct ascendant[45], une directive peut être
directement opposée à l’Etat par un justiciable. La directive 2011/36 est donc
opposable à l’Etat français. Néanmoins, tant qu’un tel recours n’aura pas été
exercé, il est probable que seul le droit interne sera effectivement appliqué. Or,
l’apparente ineffectivité des mesures de protection des mineurs exploités
s’explique probablement par l’insuffisante prise en considération de la
complexité de la réalité, et ce notamment sur deux points directement visés
dans la directive : les conditions d’accès à une protection (A) et le contenu
de cette protection (B).
A – Le difficile
accès des mineurs exploités à une protection
Pour qu’un
mineur bénéficie du dispositif de protection de l’aide sociale à l’enfance, il
doit être « privé temporairement ou définitivement de la protection de sa
famille[46] », à moins que le
parent ou l’adulte qui l’accompagne n’assume pas les obligations liées à
l’exercice de l’autorité parentale, ce qui le met en danger. Dans l’un et
l’autre cas, sa prise en charge trouve son origine dans l’existence d’un danger
(2). Mais en amont, le requérant doit prouver sa minorité (1).
1) La preuve de
la minorité
Le premier point qui pose difficulté pour tout
« mineur » qui prétend à une protection porte sur la détermination de
l’âge.
Les déclarations
des intéressés sont fréquemment frappées de soupçons[47]. Les autorités cherchent
une preuve objective, preuve de plus en plus illusoire au fur et à mesure de
l’avancée en âge du candidat, que ce soit dans le cadre d’un examen médical, ou
d’un document administratif comme un acte d’état civil.
Le manque de
fiabilité des examens médicaux destinés à établir l’âge d’une personne est avéré[48]. Par ailleurs, si l’enregistrement
des naissances est un droit au sens de l’article 7 de la Convention
Internationale relative aux Droits de l’Enfant, il est loin d’être effectif. Selon
l’UNICEF, 50 millions de naissances ne seraient pas enregistrées chaque année
dans le monde[49],
ce qui laisse place à l’établissement et au commerce de faux documents
administratifs, au risque de discréditer l’ensemble des documents produits,
fussent-ils vrais.
Selon l’article
47 du Code civil, tout acte d’état civil fait en pays étranger et rédigé dans
les formes usitées dans ce pays, fait foi jusqu’à preuve contraire. La Cour
d’appel de Nancy, dans un arrêt du 28 janvier 2013, a considéré que la présence
de deux certificats de naissance, de formes différentes mais établissant les
mêmes éléments, primait sur un test osseux contraire, en l’absence de tout
élément apporté par le préfet tendant à remettre en cause la régularité des
certificats produits[50].
C’est dans ce contexte
que la Directive 2011/36 a précisé à propos des mineurs victimes de traite que
« l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans
l’application de la présente directive[51] » ; puis de
manière plus explicite encore : « Les Etats membres font en sorte
qu’en cas d’incertitude sur l’âge d’une victime de la traite des êtres humains
et lorsqu’il existe des raisons de croire qu’elle est un enfant, cette personne
soit présumée être un enfant et reçoive un accès immédiat aux mesures d’assistance,
d’aide et de protection prévues aux articles 14 et 15[52] ».
Si nous ne
disposons pas de chiffres sur le nombre de mineurs victimes de traite pris en
charge dans le cadre du dispositif d’aide sociale à l’enfance[53], trois éléments de
réflexion méritent d’être soulignés.
Tout d’abord, les
prostituées nigérianes qui arrivent en étant mineures ne le disent pas, car il
s’agit de l’un des éléments sur lesquels a porté leur promesse de silence. Les
deux personnes rencontrées dans le cadre de l’étude qui ont indiqué qu’elles
étaient mineures à leur arrivée en France ne l’on reconnu qu’après leur
majorité. Elles n’ont donc pas été prises en charge par les services de l’aide
sociale à l’enfance.
Ensuite, les
mineurs originaires d’Europe de l’Est qui sont arrêtés en flagrant délit et qui
bénéficient d’un placement fuguent très souvent dans les trois premiers jours
de leur placement échappant alors de
facto à toute prise en charge éducative[54].
Enfin, le très
faible nombre de condamnations pour faits de traite et de proxénétisme,
impliquant des victimes mineures confirme les difficultés d’identification de
ces victimes. Fin 2012, seuls deux mineurs avaient été reconnus victimes de
traite, correspondant à une affaire de trafic de bébés[55], soit une situation totalement
étrangère aux formes d’exploitation évoquées.
Pour ce qui est
des victimes mineures de proxénétisme aggravé, toutes nationalités confondues,
la Direction générale des affaires criminelles et des grâces avance 39 cas de
mineurs pour 2007, 21 pour 2008 et 31 pour 2009.
La complexité
des facteurs faisant obstacle à l’identification de ces mineurs confirme
l’absolue nécessité qu’il y a à appliquer la présomption de minorité définie
dans la directive chaque fois qu’une victime se prétend mineure.
Au-delà de l’âge,
c’est évidemment l’établissement du danger – qu’il résulte ou non de l’absence
des parents - qui fonde la protection des mineurs victimes.
2) L’établissement
du danger
Un mineur
victime de traite des êtres humains peut arriver devant le juge en diverses
circonstances : il est identifié comme victime par les services de police
dans le cadre de leurs investigations ; il est interpellé en flagrant
délit (cambriolage ou racolage[56]) ; sa situation a
fait l’objet d’un signalement (association, membres de la société civile…).
Dans la première
hypothèse, la caractérisation du danger découle des faits mêmes. Ce point est
d’ailleurs explicitement mentionné dans la directive : « Les enfants
victimes de la traite des êtres humains bénéficient d’une assistance, d’une
aide et d’une protection ».
En France, cette
voie ne concerne, en pratique, qu’un nombre très limité de jeunes filles victimes
d’exploitation sexuelle[57]. Dans les deux autres cas
envisagés, la preuve des faits de traite est souvent longue et difficile à
établir. Il est donc important d’analyser sur quel fondement les mineurs
peuvent être protégés avant même que la preuve de l’exploitation ne soit
formellement apportée.
Le fait d’être
non accompagné est de nature à fonder la protection.
Le Haut Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés retient qu’un enfant non accompagné est une
« personne âgée de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus
tôt en vertu de la législation qui lui est applicable, qui est séparée de ses
deux parents et n’est pas prise en charge par un adulte, ayant, de par la loi
ou la coutume, la responsabilité de le faire[58] ». On retrouve la
même référence à une responsabilité découlant de la loi ou la coutume dans la
résolution du Conseil de l’Union Européenne du 26 juin 1997[59].
Un enfant non
accompagné relève de l’aide sociale à l’enfance[60]. La protection comprend
alors trois phases : une mise à
l’abri, une évaluation[61], une orientation[62].
S’agissant des
mineurs originaires des Balkans l’accès à la protection est inopérant. Le
critère de l’isolement peut rarement être invoqué. Comme nous l’avons expliqué
à travers les trois groupes étudiés, la famille est généralement présente sur
le territoire et participe au processus d’exploitation. Par ailleurs, en dépit
de la forte médiatisation de l’affaire, pour les mineurs pickpockets appartenant
au groupe dit « Hamidovic », malgré la condamnation des auteurs pour
traite des êtres humains, acte de barbarie, etc., aucun d’entre eux n’a pu
bénéficier d’une reconnaissance officielle en tant que victimes de TEH.
Pour ce qui est
des nigérianes, les obstacles à la prise en charge résultent principalement du
tabou portant sur leur minorité. La preuve de leur isolement ne nous semble pas
constituer une difficulté : elles ne sont ni accompagnées de leurs
parents, ni prises en charge par un adulte ayant de par la loi ou la coutume,
la responsabilité de le faire. Nous n’avons pas rencontré de jeunes exploitées
en France par leurs parents. Par ailleurs, si un certain nombre d’entre elles
ont été « confiées » dans leur enfance, ce n’est pas dans ce contexte
qu’elles ont été exploitées.
Le confiage
d’enfants est une pratique courante au Nigéria visant initialement à renforcer
les liens avec une partie un peu plus éloignée de la famille et permettant
généralement d’améliorer la condition des enfants[63]. Cette pratique perdure,
même si ses modalités se modifient sous l’influence de l’urbanisation et de
l’évolution de l’organisation économique et sociale des familles[64]. La pauvreté rurale peut
conduire les parents à envoyer leurs enfants à la ville pour y être scolarisés
et chercher des revenus complémentaires[65]. Le risque apparaît alors
qu’ils puissent être peu à peu exploités soit par la personne à laquelle il ont
été confiés, soit par un tiers auquel il est vendu[66].
Or, la question
du confiage a bien été abordée dans le cadre des entretiens réalisés, mais aucune
des 22 personnes interrogées n’a mis en cause les personnes auxquelles elles
avaient été confiées.
Parmi les 5 jeunes
femmes ayant été confiées, 4 l’ont été à l’âge de 10 ans et une à l’âge de
trois ans. Si le confiage a peut être joué un rôle causal parmi les facteurs
ayant conduit à l’exploitation, c’est un rôle indirect. Il a en effet été
montré que les ruptures du couple parental constituent un réel facteur de
vulnérabilité à la traite. Or, dans les 5 cas rencontrés, le confiage avait
fait suite à la rupture du couple parental (pour 3 d’entre elles suite à un
décès et pour 2, suite à la séparation du couple).
En revanche, une
jeune arrivée en France à 16 ans raconte clairement avoir été vendue par sa
mère :
« La
personne qui m’a fait venir était une femme. Une amie de ma mère. C’est ma mère
qui m’a proposé de venir. Elle m’a dit qu’il fallait que je vienne en Europe
parce que j’avais fait des études et que comme ça je pourrais aller plus loin.
Elle m’a dit : « tu sais j’ai beaucoup souffert depuis que ton père
est mort. Si tu vas en Europe tu gagneras de l’argent pour payer tes études et
comme ça après tu pourras nous aider ». J’ai fait confiance à ma mère. A
16 ans, en Afrique, tu es un bébé. Tu ne connais rien de la vie. Moi j’étais un
bébé.
Quand j’ai
compris ce qui m’était arrivé, j’ai appelé ma mère, et là, j’ai compris qu’elle
était au courant depuis le début. Je ne comprends pas comment elle a pu faire
ça. J’étais une fille sérieuse. Mes sœurs n’avaient pas fait d’études, moi
j’étais sérieuse. Je suis chrétienne, pour les chrétiens la prostitution n’est
pas possible. Ma mère aussi est chrétienne. Je ne comprends pas comment elle a
pu me faire ça ».
Dans ce
témoignage, la personne qui a hébergé la jeune fille – pour l’exploiter en
l’occurrence – a été désignée par la mère. Néanmoins, il est peu probable que
l’adulte soit alors en mesure de montrer que l’enfant lui a été confié en vertu
de la loi ou la coutume. En toute hypothèse, le seul fait d’identifier qu’une
mineure se prostitue suffit à fonder sa prise en charge : « Tout
mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en
danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure
d'assistance éducative[67] ».
Mais au-delà des
critères d’accès une protection, c’est le contenu de celle-ci qui mérite d’être
interrogé.
B – Le contenu
insuffisant de la protection
La directive
2011/36 UE insiste sur la nécessité de mettre en place des actions
« spécifiques » destinées à assister et à aider les enfants victimes
de la traite des êtres humains[68].
Or, à ce jour, en
France, à la différence des personnes majeures victimes de traite des êtres
humains qui peuvent bénéficier d’une prise en charge spécifique et adaptée[69] il n’existe aucun
dispositif dédié aux mineurs victimes de tels faits.
Au-delà du respect
de la directive, la convergence de l’analyse effectuée dans les deux contextes
étudiés nous semble confirmer l’absolue nécessité qu’il y a à mettre en place
un tel suivi.
L’existence de
phénomènes de répétition mettent en évidence la nécessité d’intervenir de
manière volontariste pour permettre à ces jeunes d’adhérer à d’autres modèles
que ceux qui leur sont proposés par leurs exploiteurs.
Les phénomènes
de répétition peuvent conduire des jeunes à passer d’une forme d’exploitation à
l’autre. A l’inverse, sortir de l’exploitation peut impliquer de recruter à son
tour de nouvelles victimes[70], ce qui permet alors à
l’ancienne victime de parvenir aux objectifs qu’elle s’était fixés en
migrant : accéder à de meilleures conditions de vie et à un nouveau statut
social.
Les Madams
nigérianes sont très souvent d’anciennes prostituées qui ont changé de
situation après s’être acquitté de leur dette. De la même manière, les mineurs
contraints à commettre des délits originaires d’Europe l’Est sont parfois nés en
France de parents ayant eux-mêmes été exploités.
Dans ce
contexte, on comprend que l’existence d’un dispositif spécifique, permettant
tout d’abord une prise en charge rapide, dans un lieu sécurisé et tenu secret
est une première condition nécessaire à la protection de ces jeunes. Au-delà,
la mise en œuvre d’un travail sur le conflit de loyauté subi à l’égard de la
famille ou de la communauté, l’analyse de la relation de soumission,
l’identification des formes de contrainte subies et la compréhension des
circonstances ayant fragilisé la victime sont autant d’éléments essentiels à
une réelle rupture avec les auteurs de l’exploitation, et plus largement avec un
certain mode de relation.
Les données
recueillies dans les deux études montrent toute la pertinence qu’il y a à
entamer un réel travail d’accompagnement de ces jeunes victimes, pour éviter
que ces phénomènes criminels ne soient alimentés depuis le pays de destination.
Dans la logique managériale d’efficacité[71] qui est celle de notre
système juridique contemporain, il importe d’affirmer que l’inertie est
contre-productive.
On peut croire
qu’il existe aujourd’hui une prise de conscience de la nécessité à travailler
en ce sens.
Le projet de plan
d’action 2014-2016 de lutte contre la traite, dont certains axes ont été
présentés par la ministre du droit des femmes le 3 février 2014 indique :
« un centre d’hébergement offrant des places sécurisantes et sécurisées,
basé sur un éloignement géographique et la volonté du mineur, sera expérimenté
en lien avec les associations spécialisées[72] ».
Ce même document
prévoit également de développer la formation des professionnels à
l’identification et à la protection des victimes[73]. Ce point s’avère crucial
tant pour améliorer le repérage des situations de traite encore très limité,
que pour favoriser la réintégration des mineurs pris en charge via des centres
spécialisés. En effet, ces lieux ne doivent pas constituer une protection de
l’enfance « parallèle » mais servir de lieu transitoire favorisant l’accès
au droit commun (foyer de l’enfance, famille d’accueil, formation, etc,), mieux
à même de garantir une véritable insertion sociale des victimes.
Le cadre
juridique existe ; les moyens de le rendre effectif sont connus. Néanmoins,
tant que le plan n’aura pas été adopté et que des moyens effectifs n’auront pas
été consacrés à l’identification puis à la prise en charge de ces jeunes, ces
mesures resteront des vœux pieux.
L’impuissance
des institutions étatiques à assurer une protection effective de ces mineurs
est un signe encourageant pour ceux qui profitent et des faiblesses de nos
institutions et de la vulnérabilité de ces jeunes. Freiner le développement de
ces pratiques ne pourra se faire sans une volonté forte qui passera par
l’attribution d’un minimum de moyens matériels et humains, mais également par
une meilleure connaissance et compréhension des stratégies criminelles. La
tâche est considérable et s’avère cruciale afin de garantir à ces mineurs un
avenir autre que celui de victimes/auteurs au sein de nos sociétés censées les
protéger.
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http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
UNICRI, Prina Franco (2003) Trade
and exploitation of minors and young nigerian women for prostitution in Italy, (en ligne), consulté le
9/02/2014
UNICRI, Trafficking of nigerian girls in Italy, the data, the stories, the
social services, avril 2010, (en ligne), consulte 9/02/2014.
[1] Protocole additionnel à la
Convention des Nations Unies de lutte contre la criminalité transnationale
organisée, 15 novembre 2000.
[2] Article 3 : « Aux fins du présent Protocole
: a) L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport,
le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours
ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement,
fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par
l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins
d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la
prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou
les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la
servitude ou le prélèvement d’organes ; b) Le consentement d’une victime de la
traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a
du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés
à l’alinéa a) a été utilisé ; c) Le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés
comme une “traite des personnes” même s’ils ne font appel à aucun des moyens
énoncés à l’alinéa a) du présent article; d) Le terme “enfant” désigne toute
personne âgée de moins de 18 ans ».
[3] 1° Soit avec l'emploi de menace, de contrainte, de
violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne
en relation habituelle avec la victime ;
2°
Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une
personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses
fonctions ;
3°
Soit par abus d'une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à
une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de
grossesse, apparente ou connue de son auteur ;
4°
Soit en échange ou par l'octroi d'une rémunération ou de tout autre avantage ou
d'une promesse de rémunération ou d'avantage.
[4] 225-4-1 II du Code Pénal.
[5] UNICRI, Prina Franco (2003) Trade
and exploitation of minors and young nigerian women for prostitution in Italy, (en ligne), consulté le
9/02/2014
OIM, Carling Jorgen (2006) Migration, human smugglings and trafficking from Nigeria to Europe,
(en ligne), consulté le 9/02/2014
[6] Après avoir obligé des
enfants à mendier et à cambrioler des appartements cinq personnes, de
nationalité yougoslave, furent condamnées. La Cour d’appel de Milan (1988)
précisera au sujet des enfants « ils
ont fait l’objet d’une cession par leurs parents pour devenir la
propriété exclusive de personnes tierces. Ils ont été amenés illégalement en
Italie, formés à commettre des vols, puis forcés via des menaces et des violences à perpétrer des actes de
délinquance en continu. Ce traitement a occasionné une perte de personnalité et
de moralité ». Pour plus
d’informations voir Adelmo
Manna et al. (2011), I delitti
contro l'onore e la libertà individuale, Utet
Giuridica, Rome, 749 pages.
[7] Rapport cité dans OIM, Migration
in Nigeria, a Country profile 2009, p. 61. Le document de l’OIM est
accessible sur le site « www.publications.iom.int ». Les données du
NAP TIP portent sur l’ensemble des Nigérians victimes de traite transnationale
et non sur les seules filles ou femmes exploitées dans la prostitution en Europe.
[8] Voir infra.
[9] Olivier Peyroux a
travaillé 7 ans au sein de l’association Hors la Rue comme directeur adjoint et
en charge de développer l’analyse et l’accompagnement des mineurs victimes de
TEH. Cette fonction lui a permis de suivre pendant plusieurs années ces mineurs
en France et parfois aussi dans leur pays d’origine.
[10] Ce fonctionnement a
notamment été observé dans le cadre de l’identification de mineurs victimes
auteurs par les 8 policiers roumains détachés au sein des services d’enquêtes spécialisées
auprès de la Préfecture de Police de Paris.
[11] Données de mars 2013
produites par la DIHAL (Direction interministérielle à l’habitat et à l’accès
au logement) qui estime la population dite « rom » à un peu moins de
20 000 personnes.
[12] Le discours de Grenoble
prononcé le 30 juillet 2010 par le Président Sarkozy, amalgamant à dessein un
fait divers concernant une famille de gens du voyage et les migrants bulgares
et roumains vivant en bidonville illustre cette stratégie politico-médiatique.
Cette rhétorique associant « Roms » et « criminalité » continuera à être utilisée après l’alternance politique de 2012 notamment par
le ministère de l’Intérieur.
[13]
On observera que le vocabulaire employé par la classe politique et les médias
renvoie au champ de la criminalité « démantèlement » et au champ
militaire « camps ».
[14] Langue parlée par une
partie des Roms qui se décline en de nombreux dialectes ne permettant pas
toujours l’intercompréhension.
[15] Données provenant des estimations
de l’UCLIC (Unité de lutte contre l’immigration clandestine), Préfecture de
Police de Paris, en charge, en pratique, d’identifier les mineurs d’Europe de
l’Est, surtout roumains, forcés à commettre des vols ou à mendier.
[16] Les autres formes d’exploitation
comme la prostitution sont évaluées à quelques dizaines de situations par an
par la Brigade de Protection des Mineurs. Moins menaçantes pour l’ordre public
elles sont probablement sous-estimées notamment quand il s’agit de garçons.
[17] En mars 2013 la DIHAL (direction
interministérielle à l’hébergement et à l’aide au logement) a estimé à 11 836
personnes vivant dans des bidonvilles en Ile de France. L’IGAS (inspection
générale des affaires sociales) arrive pour la même période à des données
similaires : 11 653 personnes. Bien qu’il n’existe pas d’estimation pour les
enfants, dans le cadre de diagnostics que j’ai été amené à effectuer dans une
quinzaine de bidonvilles en France, en moyenne, les enfants représentent entre
50 et 60 % des habitants.
[18] Voir p. 14 du Rapport annuel du STEMO (Service
Territorial Éducatif de Milieu Ouvert), 2012, Paris centre.
[19] Voir sur cet aspect
l’article d’Alain
Reyniers « La troisième migration », in Revue d’Études tsiganes, n°1 « Tsiganes
d’Europe », Paris, 1993.
[20] Ce nom générique provient
du nom d’un chef de réseau, Fehim Hamidovic, condamné en mai 2013 par la
justice française pour l’exploitation de plus d’une centaine d’enfants,
originaires de Bosnie, utilisés comme pickpockets dans le métro parisien.
[21] Ces familles
appartenaient à des groupes roms marginalisés mais, cette fois-ci, de
confession musulmane.
[22]
Citée par le procureur au cours du procès « Hamidovic » qui s’est
déroulé d’avril à mai 2013 au palais de justice de Paris.
[23] Lors des divers
entretiens les enfants expliquaient que Fehim Hamidovic leur demandait de
l’appeler « papa ».
[24] Ce terme désigne ici un
mariage de type coutumier.
[25] La contre-dot ou
« prix de la mariée » en ethnologie signifie que la famille du fiancé
doit verser une somme d’argent à la famille de la future épouse. Ce système est
à l’opposé de la dot où les parents de la mariée doivent s’acquitter d’une
somme d’argent auprès de la famille du futur époux.
[26] Différents travailleurs
sociaux nous ont fait part d’un tel sentiment. Néanmoins, il s’agit d’un
ressenti qu’ils ne peuvent quantifier, dans la mesure où la question de la
minorité est marquée d’un tabou très fort. Ils s’appuient donc sur leur
intuition. Dans le même sens, UNICRI, Trafficking
of nigerian girls in Italy, the data, the stories, the social services, avril
2010, (en ligne), consulte 9/02/2014.
[27] Article 225-12-1 du Code
pénal.
[28] Dorey Roger (1981) « La relation
d'emprise », Nouvelle revue de
psychanalyse, (24), pp. 117-141.
[29] Perrone Reynaldo et
Naninni Martine (1995) Violence et abus
sexuels dans la famille, ESF, Issy les Moulineaux, 175 p.
[30] Simoni Vanessa
(2013), I swear on oath, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de
migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 33-60, notamment,
p. 37-38.
[31] Les parents de 14 des 21
jeunes femmes rencontrées travaillent dans le secteur agricole, en ce inclus la
vente sur les marchés de fruits et légumes. Or, selon le PNUD, 70 % de la
population totale travaille dans le secteur agricole, (PNUD, Human
development report Nigeria, 2008-2009, Achieving growth with equity, (en
ligne) consulté le 9/02/2014
http://hdr.undp.org/sites/default/files/nhdr_nigeria_2008-2009.pdf,
Box 1.1, “Characteristics of nigerian peasant farmers, citation du 2008/9 NHDR
Team”.
[32] Le taux d’alphabétisation
est ici défini comme le fait de savoir lire et écrire.
Sur
les 21 personnes qui répondent à la question « savez-vous lire et
écrire ? », 17 répondent « oui » ou « un peu ».
Si l’on considère que les personnes qui répondent « un peu »
appartiennent à la catégorie de celles qui savent lire et écrire, la proportion
est de l’ordre de 80 %, chiffre qui mériterait sans doute d’être revu à la
baisse au regard de l’incertitude liée à la réponse « un peu ».
Selon le PNUD, 71,4 % en
moyenne de filles agées de 15 à 24 ans savent lire et écrire dans l’Etat d’Edo
(toutes générations et tous sexes confondus). Voir Report of the national
literacy survey, 2010, (en ligne) consulté le 9/02/2014.
www.nigerianstat.gov.ng.
[33] Parmi les 21 personnes ayant répondu à la question
portant sur la scolarité, 2 jeunes femmes n’ont pas été scolarisées, 4 n’ont
pas achevé le primaire, 3 ont achevé le primaire, 5 ont un niveau secondaire
incomplet, 5 ont achevé le secondaire et 2 ont fait des études supérieures. 15
des 21 personnes avaient donc achevé au moins le primaire, soit une proportion
de l’ordre de 70 %. Les jeunes femmes rencontrées étaient âgées entre 19 et 36
ans. Elles étaient en âge d’achever le primaire entre les années 82 et 2002.
Le
taux d’achèvement du primaire de ces jeunes femmes semble donc un peu plus
faible que la moyenne. La Banque mondiale retient que le taux d’achèvement de
l’école primaire chez les filles d’âge pertinent était en 1991 de 75 % et en
2010 de 87 %[33],
ce qui montre que les progrès réalisés dans ce domaine sont considérables (en
ligne) consulté le 9/02/2014 http://donnees.banquemondiale.org/theme/education?display=default.
[34] Ces résultats sont à
considérer avec prudence en raison du nombre limité de personnes rencontrées et
de la portée générale des documents auxquels ont été comparées les données. Ils
nous semblent néanmoins ouvrir a minima
des pistes des réflexion. Parmi les 22 personnes
rencontrées,12 avaient perdu l’un des deux parents ou les deux avant l’âge de
17 ans. Or, selon un rapport réalisé en 2003 portant sur l’ensemble de la
population nigériane, 10 % des enfants entre 0 et 17 ans seraient orphelins (ONUSIDA,
UNICEF et USAID, (2004) Les enfants au
bord du gouffre, Annexe 1, Table 1, p. 28 , (en ligne), consulté le
9/02/2014. Ces chiffres ne sont pas strictement comparables, puisque parmi les
enfants de 0 à 17 ans, certains perdront un de leurs parents après l’étude,
mais avant leurs 17 ans. Ils donnent néanmoins un ordre d’idée quant à la
proportion d’orphelins qui est très éloigné de la proportion qui ressort de
notre étude.
Dans ce rapport, la
proportion d’enfants ayant perdu leur père est à peu près équivalente à celle
des enfants ayant perdu leur mère. Au sein des jeunes filles rencontrées, 8
avaient perdu leur père, 3, leur mère, et deux les deux parents. Il semble donc
que la perte du père constitue un facteur très lourd de vulnérabilité
[35] Sur le personnage de la
Madam, voir Vanessa Simoni (2013), préc. et Bénédicte Lavaud-Legendre et
Bérénise Quattoni (2013), Désir migratoire, emprise et traite des êtres
humains, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de migration et réalités de la
traite, Paris, Karthala, pp. 61-92.
[36] Perrone Reynaldo et
Naninni Martine (1995) Violence et abus
sexuels dans la famille, ESF, Issy les Moulineaux, 175 p.
[37] Sur ces rituels, voir
Simoni Vanessa (2013), I swear on oath, in Bénédicte Lavaud-Legendre
(Ed.), Prostitution nigériane, Entre
rêves de migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 33-60.
[38] Nathan Tobie (1988), Le sperme du diable, PUF, Paris, 215 p.
[39] Nkene Blaise-Jacques
(2004), De la migration à la crise identitaire : quelle citoyenneté pour
les migrants Igbo au Cameroun, in Luc Sindjoun Ed., État, individus et réseaux dans les migrations africaines,
Karthala, Paris, pp. 237-265.
[40] Perrone Reynaldo et
Naninni Martine (1995) p. 131.
[41] Sironi Françoise (2001), Comment devient-on un bourreau ? Les
mécanismes de destruction de l’autre Conférence prononcée au Collège de
France le 30 janvier 2001 au cours du séminaire de physiologie de l’action et
de la perception dirigé par le Pr. A. Berthoz, (en ligne), consulté le
3/02/2014. URL : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
[42] Peyroux Olivier (2013), Délinquants et victimes, La traite des
enfants d’Europe de l’Est en France, Non Lieu, Paris, 199 p.
[43] Peyroux Olivier (2013),
Chapitre 5. Ce point ne ressort pas explicitement dans l’étude effectuée auprès
des nigérianes, car il n’a pas pour l’instant être étayé d’un point de vue
scientifique. Néanmoins, de tels phénomènes ont été évoqués lors des entretiens
avec différents interlocuteurs, associatifs ou policiers.
[44] Parmi les nigérianes
ayant résisté dès le début à la forme d’asservissement qui leur était imposée
(en refusant de se prostituer les premiers soirs ou en ne respectant pas les
contraintes imposées), la proportion de personnes qualifiant les relations avec
sa famille de bonnes était plus importante qu’au sein de l’ensemble de
l’échantillon. Pour les mineurs délinquants, voir Peyroux Olivier (2013), p.
147.
[45] Elle ne peut pas à
l’inverse être invoquée par l’Etat à l’encontre d’un justiciable : C.E. 4
décembre 1974, Van Duyn, Lebon, 1337, conclusions Mayras. Voir également, Boffa
Romain, (2009), La force normative des directives non transposées, in Catherine
Thibierge (Ed.), La force normative,
naissance d’un concept, Paris, LGDJ, pp. 323-335.
[46] L. 112-3 du CASF
[47] Alvaro Gil Robles,
Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, constatait à ce
propos en 2006, dans un rapport sur le respect effectif des droits de l’homme
en France : « D’une manière générale, les mineurs sont entourés d’une
méfiance plus grande que les adultes et sont quasiment systématiquement
considérés comme des fraudeurs. Leur minorité est souvent mise en cause ».
CommDH(2006)2, 15 février 2006, suite à la visite du 5 au 21 septembre 2005, §
291.
Voir également différents
documents cités par Martini Jean-François (2010) « A l’épreuve du rayon
X », Revue Plein droit, (85), p.
22 ; Etiemble Angelina (2002) « Les mineurs isolés étrangers en
France », Etude réalisée pour la DPM, Quest’Us, Rennes ; Rapport IGAS
(2005) Mission d’analyse et de proposition sur les conditions d’accueil des
mineurs étrangers isolés en France, n° 2005/010 : « Le recours à
l’expertise d’âge, prescrite, pratiquée, utilisée de manière variable et contestée
pour le caractère peu fiable de ses résultats, joue souvent un rôle de
régulation pour les prises en charge ».
[48] Voir notamment, Avis n°
88 du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, sur
les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques, 23 juin 2005.
L’expertise osseuse consiste à comparer une radiographie de la main et du
poignet gauche avec des clichés de référence. Or, ces références ont été
définies il y a plus de cinquante ans par référence à un population américaine
« d’origine caucasienne » : Atlas Greulich et Pyle, élaboré dans les
années 30 ; ou Tanner et Whitehouse dans les années 50. La taille moyenne des
individus a considérablement évolué et elle peut varier en fonction de
l’origine géographique. La fiabilité de ce référentiel est donc largement
contestable.
[49] Unicef, Digest Innocenti,
n° 9, mars 2002, L’enregistrement à la naissance : un droit pour
commencer, p. 7.
[50] CA Nancy, 28 janvier
2013, n° 12NC01366.
[51] Article 13 1.
[52] Article 13 2.
[53] Les seuls chiffres dont
nous ayons connaissance portent sur les évaluations évoquées précédemment
concernant le nombre de mineurs victimes.
[54] Voir notamment
l’entretien avec M. Boulouque, directeur de la Brigade de protection des
mineurs de Paris, dans Peyroux Olivier (2013), préc. p. 105.
[55] Jugement rendu par le
tribunal de Bobigny en janvier 2007.
[56] La proposition de loi de
lutte renforçant la lutte contre le système prostitutionnel adoptée par
l’assemblée nationale en décembre 2013 et qui sera examinée courant 2014 par le
sénat prévoit à son article 13 l’abrogation de l’article 225-10-1 du Code pénal
incriminant le racolage.
[57] Le rapport du GRETA
(groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains) mentionne
dans son rapport d’évaluation pour la France de janvier 2013 à son paragraphe
11 : « les seules statistiques officielles fournies par les autorités
françaises dans la réponse au questionnaire du GRETA quant au nombre de
victimes de la traite des êtres humains ne couvrent que les victimes de traite
aux fins d’exploitation sexuelle et incluent aussi les victimes de
proxénétisme. »
[58] Haut commissariat aux
réfugiés, « Note sur les politiques et procédures à appliquer dans le cas
des enfants non accompagnés en quête d’asile », février 1997.
[59] Journal officiel n° C 221 du 19/07/1997 p. 0023 – 0027.
[60] L. 112-3 du CASF.
[61] Article L. 223-2 du Code de l’action
sociale et des familles. L’évaluation accomplie sous l’autorité du Conseil
Général doit théoriquement se dérouler dans un délai de 5 jours au cours duquel
est mis en place un hébergement d’urgence.
[62] Circulaire du garde des sceaux 31
mai 2013, JUSF1314192C. A l’issue de ce délai, le président du Conseil Général
saisit le Procureur de la République si la minorité et l’isolement du jeune
sont établis. Ce dernier définit alors un lieu de placement dans le cadre du
dispositif d’orientation national. Le Parquet compétent dans le département
concerné doit alors saisir le juge des enfants, qui ordonne une mesure
d’assistance éducative.
[63] Jonckers Danielle (1997)
« Les enfants confiés » in Marc Pilon, et al. (Ed.), Ménages et familles en Afrique, Approche des
dynamiques contemporaines, Paris, CEPED, pp. 193-208 ; Lallemand
Suzanne (1993) La circulation des enfants
en société traditionnelle, Prêt, don,
échange, Paris, L’Harmattan, 224 p.
[64] Sur le lien entre cette
pratique et le travail des enfants, R.I. Okunola et A.D. Ikuomola (2010) « Child labour in fostering
practices : a study of surulere local government area Lagos state,
Nigéria », The social sciences,
5(6), pp. 493-506.
[65] Delaunay Valérie (2009)
« Abandon et prise en charge des enfants en Afrique, une problématique
centrale pour la protection de l’enfant », Mondes en développement, 2(146), p 39.
[66] Vandermeersch Céline (2002) « Les enfants
confiés âgés de moins de 6 ans au Sénégal en 1992-1993 », Population 4(57), pp. 661-688 ;
Deshusses Mathias (2005) « Du confiage à l’esclavage - Petites bonnes
ivoiriennes en France » », Cahiers
d’études africaines, 3(179-180), p. 736 et s.
[67] Article 13 de la loi du 4
mars 2002.
[68] Article 14.
[69] Article L. 345-1 du Code
de l’action sociale et des familles.
[70] D’autres possibilités de
sortie d’exploitation méritent d’être mentionnées, comme la création d’une
famille, Olivier Peyroux (2013), p. 138. Si ce point n’a pas encore fait
l’objet d’une analyse approfondie dans le contexte nigérian, différents
professionnels rencontrés ont constaté que le fait de devenir mère constituait un moyen possible de sortie de
l’exploitation. Néanmoins si les auteurs de l’exploitation estiment que la
somme payée par la mère au jour où survient la grossesse n’est pas suffisante,
l’enfant peut devenir lui-même l’objet d’un chantage. En ce sens, http://sociedad.elpais.com/sociedad/2013/11/28/actualidad/1385630413_133360.html,
article consulté le 9 février 2014.
[71] Sur ce thème voir, Garapon
Antoine (2010) La raison du moindre Etat, Le néolibéralisme et la justice,
Odile Jacob.
[72] Mesure 11.
[73] Mesure 2.