Mineur(e)s nigérianes et originaires des Balkans en situation de traite

Mineur(e)s nigérianes et originaires des Balkans en situation de traite
Regards pluridisciplinaires sur les processus d’asservissement et les échecs de la protection

Article paru dans Revue Internationale des Migratins Internationales

Bénédicte Lavaud-Legendre – Chargée de recherches – Juriste - CNRS UMR 5114 – COMPTRASEC – Université de Bordeaux
Olivier Peyroux – Sociologue – spécialiste des Balkans.

L’identification et la répression des pratiques criminelles qualifiées de traite des êtres humains a considérablement évolué depuis les années 90. Ces pratiques commencent à être mieux comprises, identifiées et de ce fait sanctionnées par les juridictions pénales. Néanmoins, malgré ces progrés – qui restent relatifs -, la question de l’exploitation des mineurs demeure largement méconnue et ignorée par les institutions qu’il s’agisse des jeunes femmes nigérianes exploitées dans la prostitution ou d’enfants originaires des Balkans commettant des actes de délinquance pour le compte de tiers. Or, malgré de réelles divergences, certains éléments rapprochent ces pratiques : modes de contrainte exercés, fausses identités, difficultés de prise en charge, facteurs favorisant la sortie de l’exploitation,… Freiner le développement de ces pratiques implique une meilleure connaissance et compréhension des stratégies criminelles et d’emprise. Le présent article vise précisément à améliorer cette compréhension pour amorcer une réflexion sur la prise en charge des mineurs victimes de TEH actuellement inexistante.

Identification and suppression of the criminal practices categorized as human trafficking has evolved considerably since the 90s. These practices are better understood and identified and therefore they are sanctioned more strongly by the criminal courts. Nevertheless, in spite of this progress - which is only relative - , the issue of exploitation of children whether concerning Nigerian young women exploited in prostitution or children from the Balkans involved in delinquency for the account of third parties, remains largely unknown and ignored by the institutions. Beyond certain differences, some elements are common to all these practices: the type of constraints, the false identities, the difficulties in providing care, the factors helping their freeing from exploitation… Countering these practices necessitates better knowledge and understanding of the criminal strategies and of the strategies of control. The aim of this paper is to improve this knowledge and thus help setting up a debate - largely absent at the present - on the provision of care for children victims of human trafficking.



Depuis les années 90, les pratiques criminelles qualifiées de traite des êtres humains ont connu diverses mutations : diversification des origines géographiques, développement des formes d’exploitation, abaissement de l’âge des victimes... Ces transformations majeures constatées au quotidien par les autorités judicaires et policières des pays d’Europe de l’Ouest ne se sont pas accompagnées d’une adaptation, pourtant nécessaire, des dispositifs de protection des victimes. Au lieu d’être interprétées comme des stratégies des auteurs visant à minimiser le risque pénal et à accroître la docilité des victimes, elles furent souvent perçues par les autorités comme une conséquence de pratiques communautaires archaïques pour lesquelles la protection de l’enfance,  serait impuissante.

Comparer la situation de mineurs originaires des Balkans, exploités dans la délinquance, avec celle de jeunes filles originaires du Nigéria en situation de prostitution pourrait constituer une gageure tant ces types d’exploitation s’ancrent dans des contextes culturels, géographiques ou sociaux distincts. Pourtant, au-delà des différences, un certain nombre de points communs unissent ces situations et font ressortir des mécanismes psychologiques, sociologiques et criminels analogues qui relèvent d’une même qualification juridique : la traite des êtres humains.

Depuis 2000, le protocole de Palerme[1] définit la traite des êtres humains comme le fait de recruter, transporter, héberger une personne en vue de l'exploiter et en ayant recours à des moyens entravant son consentement. Ce dernier critère n’est pas nécessaire lorsque la victime est mineure : le seul fait de la recruter (…) en vue de l’exploiter suffit à consommer l’infraction[2].

En droit interne, depuis la loi du 5 août 2013 (n° 2013-711), l'article 225-4-1 du Code pénal incrimine sous la qualification de traite des êtres humains le fait « de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger, de l'accueillir, à des fins d’exploitation », dans l’une des circonstances définies par le texte[3]. Conformément au Protocole de Palerme, la caractérisation de ces circonstances (emploi de la violence, de la menace, abus d’autorité, abus d’une situation de vulnérabilité) n’est pas nécessaire lorsque les faits sont commis à l’égard d’un mineur[4]. L’exploitation est définie comme le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à tout crime ou délit.

Même si nous ne connaissons aucune étude permettant de quantifier le phénomène, on peut affirmer que les faits ainsi désignés ont pris une réelle ampleur depuis le début des années 1990 pour ce qui est des jeunes femmes nigérianes se prostituant en Europe à l’issue de leur parcours migratoire[5]. Si l'Italie a constitué le premier pays de destination de ces jeunes femmes, elles sont à ce jour repérées dans l'ensemble des pays européens et notamment, la France, l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la Grande-Bretagne.

Pour les mineurs originaires des Balkans forcés de commettre des délits, les premières affaires remontent au début des années soixante-dix en France, en Allemagne, en Autriche et surtout en Italie. En 1984, l’affaire dei bambini argati marque la prise de conscience du phénomène dans sa complexité[6] par les autorités italiennes. Dans le reste des pays d’Europe de l’Ouest, malgré la présence de situations similaires, cette forme de traite fut occultée jusqu’aux années 2000. Cette date correspond à une augmentation du nombre d’affaires et à l’apparition de nouveaux modi operandi suscitant l’intérêt des médias. Les nombreux reportages, à cette époque, sur les jeunes garçons roumains contraints de piller les horodateurs parisiens en sont une illustration. 

L’une des différences apparentes, mais qui procède d’une même stratégie d’invisibilité, entre l’exploitation des jeunes nigérianes et celle des mineurs originaires des Balkans, tient à la manière dont ils se présentent. Les réseaux nigérians incitent les filles à cacher aux autorités leur minorité, car ils craignent qu'elles ne soient prises en charge par les services sociaux en leur qualité de mineures isolées ce qui, en les soustrayant à leur influence, leur ôte par là-même leur source de revenus. Elles se disent donc presque systématiquement majeures.

A l’inverse, les jeunes filles et garçons originaires des Balkans interpellés en flagrant délit de vol déclarent un âge inférieur à 13 ans afin d’échapper aux poursuites pénales. Pour compliquer le travail d’identification, ces mineurs sont également sommés par leurs exploiteurs de refuser toute technique destinée à faciliter leur identification comme la prise d’empreintes digitales, la déclaration du nom de famille véritable, etc.  

Concernant les mineures nigérianes, les données exposées résultent d'une étude réalisée entre 2009 et 2011, financée par le GIP Mission Droit, recherche justice, et au cours de laquelle des entretiens de type semi directif ont été réalisés avec 21 nigérianes s’étant prostituées en France. Ces personnes ont été rencontrées par l'intermédiaire d'associations spécialisées dans l’accompagnement des femmes prostituées. Une présélection a donc été effectuée par lesdites structures, ce qui constitue incontestablement un filtre, mais s’avère dans le même temps être une condition de la faisabilité de ce type d’entretiens. La totalité des personnes disaient ne plus être sous la coupe de personnes tirant profit de leur prostitution. Parmi elles, 18 ont donné l’âge qu’elles avaient lorsqu’elles ont quitté leur pays, et seules deux disent avoir été mineures à cette époque-là (17 et 16 ans et demie).
Cette très faible proportion de jeunes filles mineures peut sembler étonnante par certains côtés.
En effet, en 2009 l'agence nigériane pour l'interdiction de la traite des êtres humains, le NAP TIP, a indiqué que 46 % des Nigérians victimes de trafic transnational sont des enfants, parmi lesquels la majorité était dans un trafic en vue de son exploitation sexuelle[7]. De leur côté, les acteurs associatifs interrogés dans le cadre de l'enquête disent avoir la conviction que bon nombre des jeunes filles nigérianes sont mineures lors de leur arrivée dans le lieu de destination.

Deux éléments peuvent expliquer ces divergences.

On peut d’une part s'interroger sur la fiabilité des informations données par les personnes sur cette question. L'âge et l'identité peuvent en effet faire partie des éléments sur lesquels a porté la promesse de ne pas parler, promesse effectuée par la jeune fille avant de migrer et dont la violation est susceptible de faire l’objet de sanctions de type surnaturel[8].
D’autre part, il existe semble-t-il une certaine évolution allant dans le sens d’un rajeunissement des personnes exploitées. Or les jeunes filles entendues dans le cadre de l'étude précitée, sont dans leur majeure partie arrivées il y a plusieurs années, ce qui s'explique par les critères de sélection des personnes entendues. Avant qu'une jeune femme n'accepte de livrer son parcours à un chercheur, c'est-à-dire un inconnu, il est nécessaire qu'elle soit dans une relation de confiance instaurée depuis longtemps, avec celui ou celle qui lui demande de raconter son histoire.

Une fois identifiées ces difficultés, on peut retenir que l'âge moyen d'arrivée des 18 personnes ayant donné cette information était de l'ordre de 21 ans et 2 mois. Sur les 8 personnes arrivées entre 2008 et 2010, il était de 20 ans et 3 mois. Si ces éléments portent sur un trop faible nombre de cas pour présenter une réelle valeur statistique, on peut néanmoins considérer qu'il semble compatible avec un rajeunissement de l’âge d’arrivée des personnes sexuellement exploitées.

S’agissant des mineurs originaires des Balkans les données proviennent essentiellement des jeunes rencontrés et suivis lors de la pratique professionnelle d’Olivier Peyroux[9] à l’association Hors la Rue et à l’Unité éducative auprès du tribunal de Paris entre 2007 et 2011. Concernant les mineurs roumains, en moyenne, leur nombre était de 150 par an suivis c’est-à-dire ayant fréquenté l’association dans le cadre de rendez-vous éducatifs. Parmi eux, ceux en situation d’exploitation représentaient, suivant les années entre un tiers et 50% de l’effectif total. A la différence des Nigérianes exploitées sexuellement ou des mineurs d’ex-Yougoslavie forcés à commettre des vols dans le métro, chez les mineurs roumains, l’hétérogénéité des situations fait que la forme que semble prendre l’exploitation n’est pas un critère suffisant pour en déterminer sa nature réelle. Parmi deux enfants volant des téléphones portables à la terrasse des cafés, l’un peut agir pour son compte alors que l’autre sera contraint par des tiers. Pour contourner cette difficulté, les données sur les actes commis ont été croisées avec les villes et villages de provenance. Si cette méthode n’est pas exempte de biais, elle est basée sur l’observation[10] du fonctionnement des structures criminelles roumaines qui recrutent essentiellement sur une base locale et communautaire.

Pour cet article, l’analyse portera sur trois types d’organisations spécialisées dans la traite d’enfants présentes en France prenant la forme d’incitation à commettre des vols :

-          les groupes originaires de Serbie spécialisés dans les cambriolages dont l’échantillon est de 17 jeunes filles et 1 garçon,
-          les groupes originaires de Bosnie-Herzégovine dits « Hamidovic » dont l’échantillon est de 38 jeunes filles et 3 garçons,
-          les groupes originaires de Roumanie dits « Tandarei » dont l’échantillon est de 33 garçons et 13 filles.

L’article va montrer que les techniques d’asservissement utilisées pour les enfants des Balkans incités à commettre des délits (I) et les méthodes d’emprise psychologique utilisées pour soumettre les jeunes femmes nigérianes à la prostitution (II) aboutissent à un même constat : les dispositifs étatiques peinent à assurer une protection effective des enfants victimes de traite des êtres humains (III).


I – Les techniques d’asservissement des mineurs utilisés pour commettre des délits

Avant d’identifier les facteurs sociopolitiques ayant favorisé la formation de groupes criminels exploitant les mineurs (B) et les contraintes mises en œuvre (C), il convient de distinguer la problématique des « Roms migrants » de la question de la traite des mineurs y compris lorsque ces enfants sont Roms (A).

A - Nécessité de distinguer la traite des mineurs de la problématique des Roms dits « migrants »

En France, les minorités ethniques et religieuses ne sont pas reconnues officiellement. Il n’y a donc pas de statistiques sur le nombre de Roms d’Europe de l’Est venus en France avant et après la chute du mur de Berlin. Pour pallier cette absence de données, les  pouvoirs publics et les associations ont comptabilisé les personnes vivant dans des bidonvilles dont le nombre avoisine les 20 000 pour la France entière[11]. Cette population, appelée maladroitement « Roms migrants » ou « Roms », ne comporte pas que des Roms ou des personnes de nationalité roumaine et bulgare. Il s’agit plutôt d’une catégorie sociale désignant des familles pauvres, vivant en bidonville et peinant à s’insérer sur le marché du travail.

La stratégie de certains groupes criminels, comme ceux issus de la petite ville de Tandarei située à l’Est de la Roumanie, consiste à s’installer dans des bidonvilles en France au milieu de familles précaires afin de compliquer les investigations policières. Cette méthode a tendance à jeter l’opprobre sur l’ensemble des personnes vivant dans ces conditions perçues comme Roms. Politiquement, la présence de ces activités d’exploitation de mineurs est régulièrement instrumentalisée afin de réaffirmer l’autorité de l’Etat grâce à la mise en scène d’opérations de police fortement médiatisées[12] ayant pour objet le « démantèlement de camps[13] ».

S’agissant des groupes familiaux ex-yougoslaves utilisant des mineurs dans des activités délictuelles, très peu d’entre eux sont installés en bidonville. En majorité, ils vivent en appartement ou en maison et ne souhaitent pas être confondus avec des Roms roumains. En revanche, face aux autorités judicaires, l’étiquette commune « rom » est utilisée pour mettre en échec le système pénal. Les enfants, bien que maîtrisant la plupart du temps le français, sont forcés de ne parler que le romani[14] pour compliquer le travail de la justice tenue de recourir à des interprètes dont le nombre demeure très limité. De même, les exploiteurs, pour justifier l’asservissement de leur « belle-fille », invoquent régulièrement la tradition rom comme cause explicative créant une confusion chez les professionnels de l’enfance sur la réalité de l’exploitation de ces jeunes filles.     

Si par leurs stratégies, ces organisations donnent matière à l’instrumentalisation politique de la « question rom » où criminalité et problématique sociale semblent volontairement confondues, il convient de bien séparer la question sociale des personnes vivant en bidonville des situations  des enfants utilisés pour commettre des vols, limitée à quelques groupes criminels de taille variable. Pour évacuer les risques d’amalgame, les rares données disponibles aident à mieux délimiter le sujet. En Île-de-France, les services de police spécialisés[15] estiment entre 400 et 600 enfants dits « roms » contraints de voler. Cette estimation est en partie corroborée par les données de l’UEAT (Unité éducative auprès du Tribunal) de Paris qui précise, dans son rapport annuel 2012, que le nombre de mineurs roumains déférés en 2011 serait environ de 200 jeunes[16].

À titre indicatif, comparé au nombre d’enfants recensés dans les bidonvilles sur le même territoire, environ 6 000[17], et malgré tous les biais que comportent ces données[18], la proportion de mineurs incitée à commettre des délits se situerait entre 3 et 10 %. Si en valeur absolue ce nombre d’enfants, correspondant uniquement à la région parisienne, nécessite que des mesures de protection soient prises au plus vite, en creux, ces chiffres viennent confirmer que dans au moins 90% des situations, les mineurs vivant dans les bidonvilles, roms et non roms, ne sont pas victimes de réseaux criminels ou exploités par leurs parents.


B - Changements sociopolitiques et processus de formation des groupes criminels exploitant les mineurs

A la fin des années soixante, les accords passés par Tito pour répondre au déficit de main d’œuvre des pays occidentaux entraînèrent une migration en Europe de l’Ouest parmi l’ensemble des couches de la société yougoslave. Les Roms, au même titre que les autres, s’inscrivirent dans ces mouvements sans que leur comportement diffère. Parmi eux, quelques groupes, de religion orthodoxe, originaires du Kosovo ou de la vallée de Presovo, en bas de la pyramide sociale, privilégièrent une migration de type familial. Davantage repliés sur eux-mêmes, maîtrisant mal les codes des pays d’accueil, ils s’installèrent dans des activités dites de « débrouille économique » tels que la mendicité, la vente de fleurs ou des petits trafics[19]. Si la majorité de ces familles accédèrent, au bout de quelques années, à un travail légal, quelques-unes d’entre elles se professionnalisèrent, d’une génération à l’autre, dans des activités liées à l’exploitation d’enfants tout en maintenant des liens communautaires importants.

Chez les groupes dits « Hamidovic[20] », originaires de Bosnie-Herzégovine, si le processus de formation fut semblable[21], à la différence du groupe précédent, la guerre qui toucha cette région (1992-1995) va fragiliser durablement les familles roms de Prijedor, Sarajevo ou des environ des Banja Luka. Ces localités où résidaient la majorité des Roms de Bosnie firent l’objet de nettoyage ethnique sur une base confessionnelle. Leurs origines musulmanes les désigneront comme une cible privilégiée des Serbes (orthodoxes) et des Croates (catholiques) sans que les Bosniaques (musulmans) soient solidaires de ces populations considérées avant tout comme cigani (Roms). L’exode de ces familles, notamment vers l’Italie, et la présence de nombreuses mères seules avec enfants vont faciliter les recrutements de mineurs dépassant le simple jeu des alliances familiales. Les quelques clans inscrits dans des activités criminelles vont rapidement se structurer pour être en capacité de contrôler un plus grand nombre d’enfants. Comme l’a révélée l’enquête[22] bien qu’au sommet de l’organisation les familles dirigeantes possédaient toutes des liens de parenté, le recrutement d’adolescent(e)s fut sur une base communautaire large débordant le cadre de la famille élargie.

Concernant la Roumanie, le démantèlement de l’industrie à la suite de la chute du régime de Ceausescu entraîna une disqualification d’une grande partie des populations roms des campagnes et des petits centres urbains. A la différence de leurs voisins roumains, les Roms situés dans les zones rurales, furent exclus de la redistribution des terres enclenchée au début des années 1990. La cause principale fut l’absence de droit à la propriété foncière, sous les régimes précédent l’ère communiste pour un certain nombre de minorités ethniques et religieuses dont les Roms.     Dans les petites villes les quartiers roms, regroupant des travailleurs peu qualifiés, furent durement touchés par le chômage. Le quartier de Strachina, séparé du reste de la petite ville de Tandarei (12 000 habitants) par une voie ferrée est un produit de ce processus. Abandonnées par les pouvoirs publics, quelques familles se laissèrent convaincre, dans les années 2000, d’accepter des prêts à des taux usuraires proposés par des Roms plus aisés de Tandarei partis travailler au début des années 90 dans des usines de la banlieue londonienne. Incapables de rembourser leurs emprunts, ces familles acceptèrent pour diminuer leurs dettes de confier leurs enfants aux usuriers pour une période donnée. C’est à ce moment, en 2004, que les premières affaires d’exploitation d’enfants (vol et mendicité forcée) liées aux mineurs de Tandarei apparurent à Londres. En France, c’est seulement en 2009 que ce groupe fit son apparition en se spécialisant dans le vol aux distributeurs automatiques de billets.

C - Contrainte et détournement de fonctionnements communautaires

L’émergence de ces organisations s’explique par les changements sociopolitiques majeurs de cette région. Leur maintien provient des stratégies utilisées pour transformer la période d’exploitation en une étape considérée par les victimes comme nécessaire pour accéder à une reconnaissance familiale et sociale.

Le groupe de Tandarei, comme expliqué précédemment, a commencé à exploiter des enfants par un mécanisme de dette contractée par leurs parents appelé camata. Cette contrainte, qui n’a rien de culturel, n’a pas permis une loyauté totale des victimes. Loin de leur famille, quelques enfants confiés pour mendier au Royaume-Uni se présentèrent à la Police. Ces premiers témoignages servirent à lancer une série d’arrestations contre les auteurs. Afin de mieux protéger l’organisation, les familles du quartier de Strachina furent intégrées au réseau, à charge pour elles de migrer dans divers pays d’Europe de l’Ouest pour encadrer directement leurs propres enfants tout en ayant comme obligation de reverser une « taxe » chaque mois à l’une des branches du réseau. Cette nouvelle stratégie a conduit les parents à pousser leurs enfants à ramener davantage d’argent car, une fois la somme due acquittée, le reste leur appartenait. Aux alentours de quatorze, quinze ans ces mineurs victimes devenus adolescents s’affranchissent de leur famille tout en étant toujours soumis financièrement à l’organisation. Ils se mettent donc partiellement à leur compte en souhaitant démontrer avec l’argent récolté par le vol leur prestige social à travers l’organisation de noces somptueuses, l’achat d’une voiture, d’une maison, etc. Une concurrence entre familles s’instaure où chacune souhaite afficher par ses possessions matérielles et sa capacité à dépenser sans compter son statut social privilégié.

Chez les groupes dits « Hamidovic », les victimes proviennent d’horizons très variés. Certains enfants sont nés au sein de l’organisation, leur mère était déjà pickpocket en France ou en Italie. D’autres sont issus de familles ayant trouvé refuge en Europe de l’Ouest pendant la guerre. Enfin quelques-uns sont recrutés directement en Bosnie dans les nouveaux quartiers roms improvisés de Tuzla ou de Sarajevo. Le point commun entre ces enfants est surtout d’avoir intégré l’organisation pour cause de rejet par leur famille. Le scénario classique observé par les associations bosniennes est le suivant : suite à une séparation ou à la disparition du mari, un remariage a lieu. Le beau-père, n’acceptant pas les enfants de la précédente union, fait pression sur sa nouvelle femme pour qu’elle s’en sépare. Ces mineurs sont alors confiés à des tiers les obligeant à travailler pour l’organisation. En l’absence de toutes perspectives de retour dans leur famille biologique, le clan qui les exploite devient alors la nouvelle parenté. Ces liens sont ensuite renforcés par des unions matrimoniales. Lors des enquêtes de terrain effectuées auprès de ces jeunes filles, ces adolescentes parlaient toujours de leurs cousines pour désigner les autres filles avec lesquelles elles allaient voler. Leur chef, Fehim Hamidovic, se présentait d’ailleurs comme leur père[23]. Ce sentiment d’une famille retrouvée s’accompagne, au fur et à mesure, d’une possibilité de carrière au sein de l’organisation. Les voleuses les plus habiles se voient confier des responsabilités. Elles s’occupent de l’encadrement, de la formation des nouvelles recrues ou du convoyage de fonds. Leur marge de manœuvre s’accroît. Elles peuvent désormais garder une partie de l’argent pour elles. Ces perspectives, bien que limitées en pratique à un petit nombre de victimes, suffisent aux enfants pour considérer l’organisation comme la meilleure voie pour prétendre à un avenir, à une famille, à une source de revenus.   

Enfin, chez les groupes originaires de Serbie, l’asservissement est calqué sur les rôles familiaux  traditionnels. Si l’utilisation des jeunes filles pour des cambriolages est constatée avant leur mariage, c’est une fois la noce passée que l’exploitation s’intensifie. Dès l’enfance, la contrainte est intégrée à travers le devoir d’obéissance à sa belle-famille. A cette règle s’ajoute, au moment de la noce[24], le versement d’une contre-dot[25] payée par la belle-famille aux parents de la jeune mariée. Ces éléments, communs à de nombreux groupes roms, sont ici détournés pour soumettre ces jeunes filles. La contre-dot, qui revêt normalement une dimension symbolique censée démontrer l’attachement de la belle-famille à sa future bru, se transforme en dette que la mariée devra rembourser par ses activités de cambriolage. L’importance des montants versés allant parfois au-delà des 100 000 euros rend la perspective du divorce peu envisageable car elle obligerait les parents de la mariée à rembourser la contre-dot perçue. Le devoir d’obéissance à la belle-mère, dévolu normalement à l’apprentissage des travaux ménagers, est utilisé pour enseigner à la jeune fille le discours à tenir en cas d’arrestation. En dehors de ces aspects, la vie communautaire est semblable aux autres familles non impliquées dans l’exploitation. Les belles-filles participent à l’ensemble des événements familiaux. Elles possèdent une vie sociale riche et sont donc liées à de nombreuses personnes qu’elles ne souhaitent pas quitter  en abandonnant leur groupe pour un foyer de l’enfance. Leur asservissement, bien que parfois très intense, est limité à une période donnée. Après quelques années, l’impossibilité de se faire passer, aux yeux de la justice, comme mineur va faire cesser l’exploitation. La belle-fille accède à un statut familial plus confortable se préparant doucement à son futur rôle de belle-mère. S’agissant des garçons dont l’asservissement est plus rare, l’emprise repose davantage sur un mélange entre menaces de violences physiques et possibilité d’accession rapide à des fonctions moins contraignantes et mieux rémunérées tels que faire le guet, devenir chauffeur, etc.  

La persistance des deux groupes d’ex-Yougoslavie s’explique par leur capacité à proposer de véritables perspectives d’avenir à leurs victimes. Par ce moyen, ils s’assurent de leur loyauté pendant et après la période d’asservissement tout en constituant, par le jeu des mariages et des naissances, un réservoir de futures recrues conditionnées pour servir sans trahir les intérêts des personnes les exploitant. L’apparition récente du groupe de Tandarei empêche de juger leur capacité à maintenir, à moyen terme, leurs activités criminelles liées à l’exploitation d’enfants. Certains emprunts aux groupes précédents,  notamment le système de la contre-dot détourné en servitude pour dettes, témoignent cependant de leur souhait de continuer à se perfectionner afin de pouvoir utiliser des mineurs sans être inquiétés par les autorités.

Si les modes de contrainte identifiés chez les jeunes nigérianes sont différents, on constate néanmoins une même volonté d’instaurer un lien de dépendance entre la jeune exploitée et ceux qui en tirent profit.

II –La majorité prétendue des nigérianes sous emprise

Il semble que l’on assiste depuis quelques années à une évolution du profil des jeunes filles nigérianes se prostituant : recrutées de plus en plus jeunes, elles proviennent également plus fréquemment de régions rurales, moins ciblées par les campagnes de prévention[26].
Néanmoins, il en va de la rentabilité de l’opération qu’elles soient considérées comme majeures. Si les jeunes filles sont identifiées comme mineures, elles risquent d’être prises en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance et d’échapper à ceux qui veulent en tirer profit. En outre, le fait de recourir aux services d’une prostituée mineure étant pénalement répréhensible[27], il est à craindre que les clients refusent de recourir aux services de ces jeunes femmes, ce qui pourrait alors diminuer les gains escomptés.

Aussi, de véritables stratégies d’emprise sont mises en œuvre pour empêcher les jeunes filles de se dire mineures.
On entend par emprise, un mode de relation qui vise la négation de la qualité du sujet, soit l’objectivation de la personne. « L'emprise traduit donc une tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d'autrui, c'est-à-dire à la réduction de l'altérité, de toute différence, à l'abolition de toute spécificité, la visée étant de ramener l'autre à la fonction et au statut d'objets entièrement assimilables[28] ».

Des agissements visant à neutraliser les capacités de résistance des victimes sont identifiés avec une réelle constance. Ils visent à empêcher les victimes d'exprimer une volonté propre, ou de solliciter une aide extérieure, tout en leur faisant croire qu'elles agissent librement. La réponse de chaque personne soumise à ce type de pratiques dépend de sa propre histoire et de ses mécanismes de défense.

Or, les éléments de définition des formes d'emprise identifiées dans les relations familiales[29] peuvent être appliqués à la relation auteur / victime dans le contexte de la traite nigériane. Cela peut s'expliquer par le parallèle existant entre l'inégalité parents / enfants et celle identifiée entre la Madam et les jeunes filles exploitées (inégalité économique, généalogique et sociale)[30]. Les mécanismes permettant la mise en place de la relation d’emprise (A) seront donc identifiés avant d’analyser les effets de ce type de pratiques (B).

A – La mise en place de la relation d’emprise

Il serait faux de présenter les jeunes femmes nigérianes sexuellement exploitées comme particulièrement pauvres ou non éduquées ou encore comme ayant été enlevées par la force et physiquement contraintes à quitter leur pays d'origine. La réalité apparue dans la recherche conduite est tout autre.

Les principaux facteurs de vulnérabilité à la traite envisagés et ayant fait l’objet d’une analyse sont la profession des parents[31], le taux d’alphabétisation[32], le niveau de scolarisation[33] et la situation familiale.  Seule l’existence d’une rupture dans la cellule familiale, que ce soit au sein du couple parental ou entre les parents et les enfants est ressortie comme synonyme de vulnérabilité face aux faits d’exploitation[34].

On peut penser que la fragilisation engendrée par cette rupture que ce soit au niveau psychologique, économique ou social facilite la réussite des stratégies d’emprise des auteurs.

Dans bon nombre de cas, les personnes exploitées étaient à l'origine candidates à la migration ou, en tous cas, se sont laissées convaincre sans difficulté, attirées par un avenir meilleur dans un pays européen. L'exploitation des jeunes nigérianes repose dans l'immense majorité des cas sur un contrat conclu avec la Madam – nom donné par les jeunes filles à celles qui les recrutent -[35] . La candidate promet de s'acquitter du paiement d'une dette, de ne jamais dénoncer les faits subis à la police, de ne jamais raconter son histoire, moyennant quoi, la Madam s’engage à la faire venir en Europe. L’existence de ce contrat fait partie des trois éléments intégrés dans la stratégie d’emprise : l’effraction (1), la captation (2) et la programmation (3).

1) L’effraction

L’effraction désigne « la pénétration par la force, l'incursion au-delà des limites d'un territoire, elle représente le préalable à l'envahissement et à l'annexion, c'est le début de la prise de possession »[36].

L’élément clé de l’effraction résulte de la réalisation de rituels destinés à garantir l'exécution du contrat. Les jeunes femmes, candidates à la migration, participent fréquemment avant leur départ du Nigéria à des rituels de sorcellerie qualifiés de « juju » dans cette région. Ces rituels, couramment pratiqués avant un voyage, sont ici destinés à protéger les migrantes au long de leur parcours. A Bénin City, dont sont originaires la majeure partie des victimes, des personnages charismatiques se déclarent comme native doctors. Ils créent des lieux de cultes consacrés à un ancêtre et attirent ainsi des fidèles. Les « temples » consacrés à la déesse Ayelala sont particulièrement actifs dans l’exploitation des jeunes filles dans la prostitution[37].
La souscription du contrat s’accompagne de rituels qui constituent une forme de garantie. Les entretiens réalisés permettent de décrire le mode opératoire suivant, les variantes constatées portent sur des éléments secondaires. La jeune fille donne des objets lui appartenant (tissu, mèche de cheveux, poils, ongles…), qui, au cours de la cérémonie, vont être versés dans une sorte de vase, puis ingérés par cette dernière ou éventuellement introduits sous la peau au moyen de scarifications. Par cette pratique, la marque de la promesse est incorporée par la future victime. La fille est prévenue : « si tu parles, la chose que tu prends va te tuer ».

Le rituel est effectué devant témoins, dont la présence révèle la dimension sociale de l'engagement.

À un premier niveau d'analyse, la dimension effractive du rituel ressort avec évidence : l’effraction consiste dans le fait de s’installer sur le territoire de sa proie. La réalisation des scarifications prépare ainsi l'emprise : « avec l’effraction, le sorcier montre à la victime que son enveloppe percée et qu'elle ne peut plus maintenir la différenciation entre soi et l'autre[38] ».
Or, l’effraction survient au moment même où la victime promet qu'elle remboursera, qu’elle restera fidèle à celle qui l’exploite, qu'elle ne révélera ni sa véritable identité, ni son âge, ni parfois même son pays d'origine et qu'elle ne dénoncera pas. C'est donc sur la base de la fragilisation de la personne suite à l'effraction que les agissements pouvant relever de la captation vont être accomplis.

2) La captation

La captation renvoie au fait de s'emparer physiquement de quelque chose. En psychologie, il s’agit de s’accaparer de façon exclusive d’une personne, de son affection. Durant la phase de captation, la Madam use fréquemment de moyens de séduction afin de donner le plus longtemps possible une apparence d'altruisme à des relations guidées par le seul profit économique. Or, recevoir crée une dette. La Madam s'occupe du visa, du passeport, du transport, et à l'arrivée de la demande d'asile, de l'hébergement, de la nourriture et de la tenue de travail, à charge pour la personne de rembourser. La solidarité qui unit ceux qui ont réussi un processus migratoire aux nouveaux candidats joue donc un rôle essentiel dans la réussite du projet[39]. Les Madams usent donc de cette « solidarité » communautaire pour ancrer l'emprise. En se rendant indispensables, elles transmettent l'idée qu'elles sont les seules sur lesquels les victimes peuvent compter. Cette entraide constitue donc la contrepartie plus ou moins explicite de la dette. Pour accroître les effets de la captation et la dépendance de la victime à la Madam, cette dernière met fréquemment tout en œuvre pour isoler la jeune femme de sa famille. Il lui est donc très souvent interdit d’entrer en contact téléphonique notamment avec les siens sous peine de représailles.

En outre, il a été identifié que lors du recrutement des jeunes filles, une rencontre entre la Madam et la famille de la jeune fille était très fréquemment organisée, ce qui permettait de donner une réelle légitimité au projet migratoire à la famille de la victime qui, en s’associant à la souscription de la dette, est par la suite plus fréquemment en position de faiblesse pour conseiller à la jeune fille de rompre le pacte. Les inégalités sociales et économiques constituent un facteur compliquant considérablement toute remise en cause de l’accord conclu par la victime et même sa famille.

3) La programmation

Enfin, la programmation implique la création chez la victime d'un réflexe destiné à l'empêcher de se libérer de l'instigateur. Il s’agit d’« introduire des instructions dans le cerveau de l’autre pour induire des comportements prédéfinis afin d’activer ultérieurement des conduites adaptées à une situation ou un scénario anticipés[40]». Le mécanisme de programmation peut reposer sur le recours à des violences. Plus les agressions sont imprévisibles, moins la victime peut les anticiper, plus elle est démotivée et se sent incapable de réagir. Parmi les 21 personnes rencontrées ayant abordé cette question, 17 disent avoir été battues physiquement.
En outre, nombreuses sont les jeunes filles rencontrées qui présentent la prostitution comme constitutive en elle-même d'une forme de violence. « Pour moi c’est violent ». « Je ne peux pas dire que j'ai été violée, mais quand on est vierge, qu'on doit coucher avec des clients, on peut dire que c'est une forme de viol ». « Chaque client est une violence ». Les représentations négatives associées à la prostitution accroissent la vulnérabilité de la personne dans sa relation à la Madam.

Un certain nombre d’éléments favorisent donc la mise en place d’une forme de dépendance très forte entre la Madam et la mineure qui se prostitue impliquant une négation de la qualité de sujet de cette dernière, conduisant directement à sa réduction au statut d’objet.

B – Les effets de la stratégie d’emprise

La mise en place de l’emprise a pour effet de neutraliser toute velléité de résistance de la victime : même si la possibilité matérielle lui en est donnée, la personne sous emprise peine à se libérer. Cet élément est particulièrement important dans les faits de traite puisque précisément les personnes exploitées ont souvent le plus grand mal à dire ce qui leur arrive, même en face d’un interlocuteur en lequel elles ont confiance et qui leur propose une porte de sortie. Un auteur indique ainsi à propos de la torture : « Du fait de la douleur, de la fatigue et de la terreur, des outils de pensée qui auraient permis de saisir l'intentionnalité du tortionnaire ont momentanément fait défaut[41] ».

Cette sidération de la pensée a été clairement exprimée au cours des entretiens avec les personnes exploitées : « Tout ce qu'elle disait était dans ma tête. Je crois qu'elle ne voulait pas que j'aie ma propre vie. Elle voulait que je sois son esclave. J'ai fait des choses parce qu’elle me disait de les faire, mais je ne pensais pas par moi-même. J'avais peur ». Une autre affirme : « à l'époque je faisais ce qu'elle me disait de faire, c'est tout ».

Ce paramètre explique que le lien entre la personne exploitée et celle qui l’exploite puisse être relativement distendu d’un point de vue physique tout en restant très fort d’un point de vue psychologique. Non seulement la personne sous emprise ne parvient pas à se révolter, mais elle agit en fonction des injonctions qui lui sont transmises ou qu’elle a intériorisées et qui proviennent de la personne qui la gouverne.  

Il ressort de la confrontation entre les deux études, de réelles similitudes quant aux modes d’asservissement : substitution d’identité, confiscation des papiers, recours à la violence physique, détournement de règles communautaires à des fins criminelles en vue de favoriser la loyauté à la famille ou au groupe d’appartenance[42]
Les stratégies de sortie de l’exploitation peuvent également être rapprochées. Elles peuvent reposer sur l’ascension au sein du groupe par le recrutement de nouvelles victimes, sur le fait de fonder une famille ou encore sur l’adhésion au modèle institutionnel proposé dans le pays de destination[43].
Enfin, on peut rapprocher la place d’une famille bienveillante parmi les facteurs d’émancipation du groupe[44], même si cet élément pourrait être discuté dans le contexte des mineurs commettant des actes de délinquance.

Si les éléments rapprochant ces formes de traite mériteront d’être approfondis dans le cadre d’études ultérieures, les similitudes sont suffisamment importantes pour être signifiantes.

Ce constat est d’ailleurs pleinement cohérent avec l’existence d’un cadre juridique commun s’appliquant aux diverses formes d’exploitation indépendamment de l’origine géographique des personnes et donc des modalités spécifiques de l’emprise. Si de très nombreuses difficultés peuvent être identifiées dans la prise en charge de ces mineurs exploités, elles viennent autant des lacunes de ce dispositif que de la manière dont il est appliqué.

III – L’ineffectivité des mesures de protection

Dire que les mineurs victimes de traite des êtres humains doivent être protégés de ceux qui les exploitent semble être une évidence. Si cette affirmation transparaît en droit français, la manière dont elle se décline concrètement fait apparaître certaines lacunes. L’effectivité du droit implique que la règle énoncée soit adaptée à la réalité qu’il tente de saisir. On peut donc s’interroger sur l’adaptation du droit français de protection de l’enfance au contexte de la traite. La confrontation du droit français strico sensu à la Directive 2011/36/UE, montre les limites du premier.
Strictement, en vertu de l’effet direct ascendant[45], une directive peut être directement opposée à l’Etat par un justiciable. La directive 2011/36 est donc opposable à l’Etat français. Néanmoins, tant qu’un tel recours n’aura pas été exercé, il est probable que seul le droit interne sera effectivement appliqué. Or, l’apparente ineffectivité des mesures de protection des mineurs exploités s’explique probablement par l’insuffisante prise en considération de la complexité de la réalité, et ce notamment sur deux points directement visés dans la directive : les conditions d’accès à une protection (A) et le contenu de cette protection (B).

A – Le difficile accès des mineurs exploités à une protection

Pour qu’un mineur bénéficie du dispositif de protection de l’aide sociale à l’enfance, il doit être « privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille[46] », à moins que le parent ou l’adulte qui l’accompagne n’assume pas les obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale, ce qui le met en danger. Dans l’un et l’autre cas, sa prise en charge trouve son origine dans l’existence d’un danger (2). Mais en amont, le requérant doit prouver sa minorité (1).

1) La preuve de la minorité

Le premier  point qui pose difficulté pour tout « mineur » qui prétend à une protection porte sur la détermination de l’âge.

Les déclarations des intéressés sont fréquemment frappées de soupçons[47]. Les autorités cherchent une preuve objective, preuve de plus en plus illusoire au fur et à mesure de l’avancée en âge du candidat, que ce soit dans le cadre d’un examen médical, ou d’un document administratif comme un acte d’état civil.

Le manque de fiabilité des examens médicaux destinés à établir l’âge d’une personne est avéré[48]. Par ailleurs, si l’enregistrement des naissances est un droit au sens de l’article 7 de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant, il est loin d’être effectif. Selon l’UNICEF, 50 millions de naissances ne seraient pas enregistrées chaque année dans le monde[49], ce qui laisse place à l’établissement et au commerce de faux documents administratifs, au risque de discréditer l’ensemble des documents produits, fussent-ils vrais.
Selon l’article 47 du Code civil, tout acte d’état civil fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, fait foi jusqu’à preuve contraire. La Cour d’appel de Nancy, dans un arrêt du 28 janvier 2013, a considéré que la présence de deux certificats de naissance, de formes différentes mais établissant les mêmes éléments, primait sur un test osseux contraire, en l’absence de tout élément apporté par le préfet tendant à remettre en cause la régularité des certificats produits[50].

C’est dans ce contexte que la Directive 2011/36 a précisé à propos des mineurs victimes de traite que « l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans l’application de la présente directive[51] » ; puis de manière plus explicite encore : « Les Etats membres font en sorte qu’en cas d’incertitude sur l’âge d’une victime de la traite des êtres humains et lorsqu’il existe des raisons de croire qu’elle est un enfant, cette personne soit présumée être un enfant et reçoive un accès immédiat aux mesures d’assistance, d’aide et de protection prévues aux articles 14 et 15[52] ».

Si nous ne disposons pas de chiffres sur le nombre de mineurs victimes de traite pris en charge dans le cadre du dispositif d’aide sociale à l’enfance[53], trois éléments de réflexion méritent d’être soulignés.
Tout d’abord, les prostituées nigérianes qui arrivent en étant mineures ne le disent pas, car il s’agit de l’un des éléments sur lesquels a porté leur promesse de silence. Les deux personnes rencontrées dans le cadre de l’étude qui ont indiqué qu’elles étaient mineures à leur arrivée en France ne l’on reconnu qu’après leur majorité. Elles n’ont donc pas été prises en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance.
Ensuite, les mineurs originaires d’Europe de l’Est qui sont arrêtés en flagrant délit et qui bénéficient d’un placement fuguent très souvent dans les trois premiers jours de leur placement échappant alors de facto à toute prise en charge éducative[54].
Enfin, le très faible nombre de condamnations pour faits de traite et de proxénétisme, impliquant des victimes mineures confirme les difficultés d’identification de ces victimes. Fin 2012, seuls deux mineurs avaient été reconnus victimes de traite, correspondant à une affaire de trafic de bébés[55], soit une situation totalement étrangère aux formes d’exploitation évoquées.
Pour ce qui est des victimes mineures de proxénétisme aggravé, toutes nationalités confondues, la Direction générale des affaires criminelles et des grâces avance 39 cas de mineurs pour 2007, 21 pour 2008 et 31 pour 2009.

La complexité des facteurs faisant obstacle à l’identification de ces mineurs confirme l’absolue nécessité qu’il y a à appliquer la présomption de minorité définie dans la directive chaque fois qu’une victime se prétend mineure.

Au-delà de l’âge, c’est évidemment l’établissement du danger – qu’il résulte ou non de l’absence des parents - qui fonde la protection des mineurs victimes.

2) L’établissement du danger

Un mineur victime de traite des êtres humains peut arriver devant le juge en diverses circonstances : il est identifié comme victime par les services de police dans le cadre de leurs investigations ; il est interpellé en flagrant délit (cambriolage ou racolage[56]) ; sa situation a fait l’objet d’un signalement (association, membres de la société civile…).

Dans la première hypothèse, la caractérisation du danger découle des faits mêmes. Ce point est d’ailleurs explicitement mentionné dans la directive : « Les enfants victimes de la traite des êtres humains bénéficient d’une assistance, d’une aide et d’une protection ».
En France, cette voie ne concerne, en pratique, qu’un nombre très limité de jeunes filles victimes d’exploitation sexuelle[57]. Dans les deux autres cas envisagés, la preuve des faits de traite est souvent longue et difficile à établir. Il est donc important d’analyser sur quel fondement les mineurs peuvent être protégés avant même que la preuve de l’exploitation ne soit formellement apportée.

Le fait d’être non accompagné est de nature à fonder la protection.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés retient qu’un enfant non accompagné est une « personne âgée de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable, qui est séparée de ses deux parents et n’est pas prise en charge par un adulte, ayant, de par la loi ou la coutume, la responsabilité de le faire[58] ». On retrouve la même référence à une responsabilité découlant de la loi ou la coutume dans la résolution du Conseil de l’Union Européenne du 26 juin 1997[59].
Un enfant non accompagné relève de l’aide sociale à l’enfance[60]. La protection comprend alors  trois phases : une mise à l’abri, une évaluation[61], une orientation[62].


S’agissant des mineurs originaires des Balkans l’accès à la protection est inopérant. Le critère de l’isolement peut rarement être invoqué. Comme nous l’avons expliqué à travers les trois groupes étudiés, la famille est généralement présente sur le territoire et participe au processus d’exploitation. Par ailleurs, en dépit de la forte médiatisation de l’affaire, pour les mineurs pickpockets appartenant au groupe dit « Hamidovic », malgré la condamnation des auteurs pour traite des êtres humains, acte de barbarie, etc., aucun d’entre eux n’a pu bénéficier d’une reconnaissance officielle en tant que victimes de TEH. 

Pour ce qui est des nigérianes, les obstacles à la prise en charge résultent principalement du tabou portant sur leur minorité. La preuve de leur isolement ne nous semble pas constituer une difficulté : elles ne sont ni accompagnées de leurs parents, ni prises en charge par un adulte ayant de par la loi ou la coutume, la responsabilité de le faire. Nous n’avons pas rencontré de jeunes exploitées en France par leurs parents. Par ailleurs, si un certain nombre d’entre elles ont été « confiées » dans leur enfance, ce n’est pas dans ce contexte qu’elles ont été exploitées.

Le confiage d’enfants est une pratique courante au Nigéria visant initialement à renforcer les liens avec une partie un peu plus éloignée de la famille et permettant généralement d’améliorer la condition des enfants[63]. Cette pratique perdure, même si ses modalités se modifient sous l’influence de l’urbanisation et de l’évolution de l’organisation économique et sociale des familles[64]. La pauvreté rurale peut conduire les parents à envoyer leurs enfants à la ville pour y être scolarisés et chercher des revenus complémentaires[65]. Le risque apparaît alors qu’ils puissent être peu à peu exploités soit par la personne à laquelle il ont été confiés, soit par un tiers auquel il est vendu[66].

Or, la question du confiage a bien été abordée dans le cadre des entretiens réalisés, mais aucune des 22 personnes interrogées n’a mis en cause les personnes auxquelles elles avaient été confiées.
Parmi les 5 jeunes femmes ayant été confiées, 4 l’ont été à l’âge de 10 ans et une à l’âge de trois ans. Si le confiage a peut être joué un rôle causal parmi les facteurs ayant conduit à l’exploitation, c’est un rôle indirect. Il a en effet été montré que les ruptures du couple parental constituent un réel facteur de vulnérabilité à la traite. Or, dans les 5 cas rencontrés, le confiage avait fait suite à la rupture du couple parental (pour 3 d’entre elles suite à un décès et pour 2, suite à la séparation du couple).

En revanche, une jeune arrivée en France à 16 ans raconte clairement avoir été vendue par sa mère :

« La personne qui m’a fait venir était une femme. Une amie de ma mère. C’est ma mère qui m’a proposé de venir. Elle m’a dit qu’il fallait que je vienne en Europe parce que j’avais fait des études et que comme ça je pourrais aller plus loin. Elle m’a dit : «  tu sais j’ai beaucoup souffert depuis que ton père est mort. Si tu vas en Europe tu gagneras de l’argent pour payer tes études et comme ça après tu pourras nous aider ». J’ai fait confiance à ma mère. A 16 ans, en Afrique, tu es un bébé. Tu ne connais rien de la vie. Moi j’étais un bébé.
Quand j’ai compris ce qui m’était arrivé, j’ai appelé ma mère, et là, j’ai compris qu’elle était au courant depuis le début. Je ne comprends pas comment elle a pu faire ça. J’étais une fille sérieuse. Mes sœurs n’avaient pas fait d’études, moi j’étais sérieuse. Je suis chrétienne, pour les chrétiens la prostitution n’est pas possible. Ma mère aussi est chrétienne. Je ne comprends pas comment elle a pu me faire ça ».

Dans ce témoignage, la personne qui a hébergé la jeune fille – pour l’exploiter en l’occurrence – a été désignée par la mère. Néanmoins, il est peu probable que l’adulte soit alors en mesure de montrer que l’enfant lui a été confié en vertu de la loi ou la coutume. En toute hypothèse, le seul fait d’identifier qu’une mineure se prostitue suffit à fonder sa prise en charge : « Tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d'assistance éducative[67] ».
Mais au-delà des critères d’accès une protection, c’est le contenu de celle-ci qui mérite d’être interrogé.


B – Le contenu insuffisant de la protection

La directive 2011/36 UE insiste sur la nécessité de mettre en place des actions « spécifiques » destinées à assister et à aider les enfants victimes de la traite des êtres humains[68].
Or, à ce jour, en France, à la différence des personnes majeures victimes de traite des êtres humains qui peuvent bénéficier d’une prise en charge spécifique et adaptée[69] il n’existe aucun dispositif dédié aux mineurs victimes de tels faits.

Au-delà du respect de la directive, la convergence de l’analyse effectuée dans les deux contextes étudiés nous semble confirmer l’absolue nécessité qu’il y a à mettre en place un tel suivi.

L’existence de phénomènes de répétition mettent en évidence la nécessité d’intervenir de manière volontariste pour permettre à ces jeunes d’adhérer à d’autres modèles que ceux qui leur sont proposés par leurs exploiteurs.

Les phénomènes de répétition peuvent conduire des jeunes à passer d’une forme d’exploitation à l’autre. A l’inverse, sortir de l’exploitation peut impliquer de recruter à son tour de nouvelles victimes[70], ce qui permet alors à l’ancienne victime de parvenir aux objectifs qu’elle s’était fixés en migrant : accéder à de meilleures conditions de vie et à un nouveau statut social.
Les Madams nigérianes sont très souvent d’anciennes prostituées qui ont changé de situation après s’être acquitté de leur dette. De la même manière, les mineurs contraints à commettre des délits originaires d’Europe l’Est sont parfois nés en France de parents ayant eux-mêmes été exploités.

Dans ce contexte, on comprend que l’existence d’un dispositif spécifique, permettant tout d’abord une prise en charge rapide, dans un lieu sécurisé et tenu secret est une première condition nécessaire à la protection de ces jeunes. Au-delà, la mise en œuvre d’un travail sur le conflit de loyauté subi à l’égard de la famille ou de la communauté, l’analyse de la relation de soumission, l’identification des formes de contrainte subies et la compréhension des circonstances ayant fragilisé la victime sont autant d’éléments essentiels à une réelle rupture avec les auteurs de l’exploitation, et plus largement avec un certain mode de relation.

Les données recueillies dans les deux études montrent toute la pertinence qu’il y a à entamer un réel travail d’accompagnement de ces jeunes victimes, pour éviter que ces phénomènes criminels ne soient alimentés depuis le pays de destination. Dans la logique managériale d’efficacité[71] qui est celle de notre système juridique contemporain, il importe d’affirmer que l’inertie est contre-productive.

On peut croire qu’il existe aujourd’hui une prise de conscience de la nécessité à travailler en ce sens.

Le projet de plan d’action 2014-2016 de lutte contre la traite, dont certains axes ont été présentés par la ministre du droit des femmes le 3 février 2014 indique : « un centre d’hébergement offrant des places sécurisantes et sécurisées, basé sur un éloignement géographique et la volonté du mineur, sera expérimenté en lien avec les associations spécialisées[72] ».

Ce même document prévoit également de développer la formation des professionnels à l’identification et à la protection des victimes[73]. Ce point s’avère crucial tant pour améliorer le repérage des situations de traite encore très limité, que pour favoriser la réintégration des mineurs pris en charge via des centres spécialisés. En effet, ces lieux ne doivent pas constituer une protection de l’enfance « parallèle » mais servir de lieu transitoire favorisant l’accès au droit commun (foyer de l’enfance, famille d’accueil, formation, etc,), mieux à même de garantir une véritable insertion sociale des victimes.  

Le cadre juridique existe ; les moyens de le rendre effectif sont connus. Néanmoins, tant que le plan n’aura pas été adopté et que des moyens effectifs n’auront pas été consacrés à l’identification puis à la prise en charge de ces jeunes, ces mesures resteront des vœux pieux.
L’impuissance des institutions étatiques à assurer une protection effective de ces mineurs est un signe encourageant pour ceux qui profitent et des faiblesses de nos institutions et de la vulnérabilité de ces jeunes. Freiner le développement de ces pratiques ne pourra se faire sans une volonté forte qui passera par l’attribution d’un minimum de moyens matériels et humains, mais également par une meilleure connaissance et compréhension des stratégies criminelles. La tâche est considérable et s’avère cruciale afin de garantir à ces mineurs un avenir autre que celui de victimes/auteurs au sein de nos sociétés censées les protéger.




Références bibliographiques

ANITP (Agenţia Naţionala împotriva traficului de persoane), Aspecte privînd fenomenultraficului de femei în România, Bucarest, 2009.
ANITP, Trafciulde copii înRomânia – studiu asupra procesului de recru­tare, Bucarest 2009.
Nkene Blaise-Jacques (2004), De la migration à la crise identitaire : quelle citoyenneté pour les migrants Igbo au Cameroun, in Luc Sindjoun Ed., État, individus et réseaux dans les migrations africaines, Karthala, Paris, pp. 237-265.
Boffa Romain, (2009), La force normative des directives non transposées, in Catherine Thibierge (Ed.), La force normative, naissance d’un concept, Paris, LGDJ, pp. 323-335.
Center for the study of democracy, Organized crime inBulgaria : Market and Trends, Sofia, 2007.
Conseil de l’Europe, Rapport sur la France du GRETA (groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains) concernant la mise en oeuvre de la Conventiondu Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains,
Dorey Roger, (1981), « La relation d'emprise », Nouvelle revue de psychanalyse, (24), pp. 117-141
Delaunay Valérie (2009) « Abandon et prise en charge des enfants en Afrique, une problématique centrale pour la protection de l’enfant », Mondes en développement, 2(146), p 39.
Département d’Etat américain, Trafficking inpersons report 2011, Washington, 2012.
European Roma Rights Center, Trafficking inRomani Communities, Budaptest, 2011.
Europol, EU organised crime threat assessment, La Haye, 2011
Garapon Antoine, La raison du moindre Etat, Le néolibéralisme et la justice, Odile Jacob, 2010.
Jonckers Danielle (1997) « Les enfants confiés » in Marc Pilon, et al. (Ed.), Ménages et familles en Afrique, Approche des dynamiques contemporaines, Paris, CEPED, pp. 193-208.
Lallemand Suzanne (1993) La circulation des enfants en société traditionnelle, Prêt, don, échange, Paris, L’Harmattan, 224 p
Lavaud-Legendre Bénédicte et Quattoni Bérénise (2013), Désir migratoire, emprise et traite des êtres humains, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 61-92
Manna Adelmo et al. (2011), I delitti contro l'onore e la libertà individuale, Utet Giuridica, Rome, 749 p
Nathan Tobie (1988), Le sperme du diable, PUF, Paris, 215 p.
OIM, Carling Jorgen (2006) Migration, human smugglings and trafficking from Nigeria to Europe, (en ligne)  consulté le 9/02/2014
Perrone Reynaldo et Naninni Martine (1995) Violence et abus sexuels dans la famille, ESF, Issy les Moulineaux, 175 p.
Peyroux Olivier (2013), Délinquants et victimes, La traite des enfants d’Europe de l’Est en France, Non Lieu, Paris, 201 p.
PNUD, Human development report Nigeria, 2008-2009, Achieving growth with equity, (en ligne) consulté le 9/02/2014
Reyniers, Alain « La troisième migration », in Revue d’Études tsiganes, n°1 « Tsi­ganes d’Europe », Paris, 1993.
Rapport annuel du STEMO (Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert), 2012, Paris centre.
Simoni Vanessa (2013), I swear on oath, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 33-60
Sironi Françoise (2001), Comment devient-on un bourreau ? Les mécanismes de destruction de l’autre Conférence prononcée au Collège de France le 30 janvier 2001 au cours du séminaire de physiologie de l’action et de la perception dirigé par le Pr. A. Berthoz, (en ligne), consulté le 3/02/2014. URL : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
UNICRI, Prina Franco  (2003) Trade and exploitation of minors and young nigerian women for prostitution  in Italy, (en ligne), consulté le 9/02/2014
UNICRI, Trafficking of nigerian girls in Italy, the data, the stories, the social services, avril 2010, (en ligne), consulte 9/02/2014.



[1] Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies de lutte contre la criminalité transnationale organisée, 15 novembre 2000.
[2] Article 3 : « Aux fins du présent Protocole : a) L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ; b) Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé ; c) Le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une “traite des personnes” même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a) du présent article; d) Le terme “enfant” désigne toute personne âgée de moins de 18 ans ».
[3] 1° Soit avec l'emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;
2° Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
3° Soit par abus d'une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;
4° Soit en échange ou par l'octroi d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage.
[4] 225-4-1 II du Code Pénal.
[5] UNICRI, Prina Franco  (2003) Trade and exploitation of minors and young nigerian women for prostitution  in Italy, (en ligne), consulté le 9/02/2014
OIM, Carling Jorgen (2006) Migration, human smugglings and trafficking from Nigeria to Europe, (en ligne), consulté le 9/02/2014
[6] Après avoir obligé des enfants à mendier et à cambrioler des appartements cinq personnes, de nationalité yougoslave, furent condamnées. La Cour d’appel de Milan (1988) précisera au sujet des enfants « ils  ont fait l’objet d’une cession par leurs parents pour devenir la propriété exclusive de personnes tierces. Ils ont été amenés illégalement en Italie, formés à commettre des vols, puis forcés via des menaces et des violences à perpétrer des actes de délinquance en continu. Ce traitement a occasionné une perte de personnalité et de moralité ». Pour plus d’informations voir Adelmo Manna et al. (2011), I delitti contro l'onore e la libertà individuale, Utet Giuridica, Rome, 749 pages.
[7] Rapport cité dans OIM, Migration in Nigeria, a Country profile 2009, p. 61. Le document de l’OIM est accessible sur le site « www.publications.iom.int ». Les données du NAP TIP portent sur l’ensemble des Nigérians victimes de traite transnationale et non sur les seules filles ou femmes exploitées dans la prostitution en Europe.
[8] Voir infra.
[9] Olivier Peyroux a travaillé 7 ans au sein de l’association Hors la Rue comme directeur adjoint et en charge de développer l’analyse et l’accompagnement des mineurs victimes de TEH. Cette fonction lui a permis de suivre pendant plusieurs années ces mineurs en France et parfois aussi dans leur pays d’origine.   
[10] Ce fonctionnement a notamment été observé dans le cadre de l’identification de mineurs victimes auteurs par les 8 policiers roumains détachés au sein des services d’enquêtes spécialisées auprès de la Préfecture de Police de Paris.
[11] Données de mars 2013 produites par la DIHAL (Direction interministérielle à l’habitat et à l’accès au logement) qui estime la population dite « rom » à un peu moins de 20 000 personnes.
[12] Le discours de Grenoble prononcé le 30 juillet 2010 par le Président Sarkozy, amalgamant à dessein un fait divers concernant une famille de gens du voyage et les migrants bulgares et roumains vivant en bidonville illustre cette stratégie politico-médiatique. Cette rhétorique associant « Roms » et « criminalité »  continuera à être utilisée après  l’alternance politique de 2012 notamment par le ministère de l’Intérieur.
[13] On observera que le vocabulaire employé par la classe politique et les médias renvoie au champ de la criminalité « démantèlement » et au champ militaire « camps ».
[14] Langue parlée par une partie des Roms qui se décline en de nombreux dialectes ne permettant pas toujours l’intercompréhension.
[15] Données provenant des estimations de l’UCLIC (Unité de lutte contre l’immigration clandestine), Préfecture de Police de Paris, en charge, en pra­tique, d’identifier les mineurs d’Europe de l’Est, surtout roumains, forcés à commettre des vols ou à mendier.
[16] Les autres formes d’exploitation comme la prostitution sont évaluées à quelques dizaines de situations par an par la Brigade de Protection des Mineurs. Moins menaçantes pour l’ordre public elles sont probablement sous-estimées notamment quand il s’agit de garçons.
[17] En mars 2013 la DIHAL (direction interministérielle à l’hébergement et à l’aide au logement) a estimé à 11 836 personnes vivant dans des bidon­villes en Ile de France. L’IGAS (inspection générale des affaires sociales) arrive pour la même période à des données similaires : 11 653 personnes. Bien qu’il n’existe pas d’estimation pour les enfants, dans le cadre de diagnostics que j’ai été amené à effectuer dans une quinzaine de bidonvilles en France, en moyenne, les enfants représentent entre 50 et 60 % des habitants.
[18] Voir p. 14 du Rapport annuel du STEMO (Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert), 2012, Paris centre.
[19] Voir sur cet aspect l’article d’Alain Reyniers « La troisième migration », in Revue d’Études tsiganes, n°1 « Tsi­ganes d’Europe », Paris, 1993.
[20] Ce nom générique provient du nom d’un chef de réseau, Fehim Hamidovic, condamné en mai 2013 par la justice française pour l’exploitation de plus d’une centaine d’enfants, originaires de Bosnie, utilisés comme pickpockets dans le métro parisien.
[21] Ces familles appartenaient à des groupes roms marginalisés mais, cette fois-ci, de confession musulmane.
[22] Citée par le procureur au cours du procès « Hamidovic » qui s’est déroulé d’avril à mai 2013 au palais de justice de Paris.
[23] Lors des divers entretiens les enfants expliquaient que Fehim Hamidovic leur demandait de l’appeler « papa ». 
[24] Ce terme désigne ici un mariage de type coutumier.
[25] La contre-dot ou « prix de la mariée » en ethnologie signifie que la famille du fiancé doit verser une somme d’argent à la famille de la future épouse. Ce système est à l’opposé de la dot où les parents de la mariée doivent s’acquitter d’une somme d’argent auprès de la famille du futur époux.
[26] Différents travailleurs sociaux nous ont fait part d’un tel sentiment. Néanmoins, il s’agit d’un ressenti qu’ils ne peuvent quantifier, dans la mesure où la question de la minorité est marquée d’un tabou très fort. Ils s’appuient donc sur leur intuition. Dans le même sens, UNICRI, Trafficking of nigerian girls in Italy, the data, the stories, the social services, avril 2010, (en ligne), consulte 9/02/2014.
[27] Article 225-12-1 du Code pénal.
[28] Dorey Roger (1981) « La relation d'emprise », Nouvelle revue de psychanalyse, (24), pp. 117-141.
[29] Perrone Reynaldo et Naninni Martine (1995) Violence et abus sexuels dans la famille, ESF, Issy les Moulineaux, 175 p.
[30] Simoni Vanessa (2013), I swear on oath, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 33-60, notamment, p. 37-38.
[31] Les parents de 14 des 21 jeunes femmes rencontrées travaillent dans le secteur agricole, en ce inclus la vente sur les marchés de fruits et légumes. Or, selon le PNUD, 70 % de la population totale travaille dans le secteur agricole, (PNUD, Human development report Nigeria, 2008-2009, Achieving growth with equity, (en ligne) consulté le 9/02/2014
http://hdr.undp.org/sites/default/files/nhdr_nigeria_2008-2009.pdf, Box 1.1, “Characteristics of nigerian peasant farmers, citation du 2008/9 NHDR Team”.
[32] Le taux d’alphabétisation est ici défini comme le fait de savoir lire et écrire.
Sur les 21 personnes qui répondent à la question « savez-vous lire et écrire ? », 17 répondent « oui » ou « un peu ». Si l’on considère que les personnes qui répondent « un peu » appartiennent à la catégorie de celles qui savent lire et écrire, la proportion est de l’ordre de 80 %, chiffre qui mériterait sans doute d’être revu à la baisse au regard de l’incertitude liée à la réponse « un peu ».
Selon le PNUD, 71,4 % en moyenne de filles agées de 15 à 24 ans savent lire et écrire dans l’Etat d’Edo (toutes générations et tous sexes confondus). Voir Report of the national literacy survey, 2010, (en ligne) consulté le 9/02/2014. www.nigerianstat.gov.ng.
[33] Parmi les 21 personnes ayant répondu à la question portant sur la scolarité, 2 jeunes femmes n’ont pas été scolarisées, 4 n’ont pas achevé le primaire, 3 ont achevé le primaire, 5 ont un niveau secondaire incomplet, 5 ont achevé le secondaire et 2 ont fait des études supérieures. 15 des 21 personnes avaient donc achevé au moins le primaire, soit une proportion de l’ordre de 70 %. Les jeunes femmes rencontrées étaient âgées entre 19 et 36 ans. Elles étaient en âge d’achever le primaire entre les années 82 et 2002.
Le taux d’achèvement du primaire de ces jeunes femmes semble donc un peu plus faible que la moyenne. La Banque mondiale retient que le taux d’achèvement de l’école primaire chez les filles d’âge pertinent était en 1991 de 75 % et en 2010 de 87 %[33], ce qui montre que les progrès réalisés dans ce domaine sont considérables (en ligne) consulté le 9/02/2014 http://donnees.banquemondiale.org/theme/education?display=default.
[34] Ces résultats sont à considérer avec prudence en raison du nombre limité de personnes rencontrées et de la portée générale des documents auxquels ont été comparées les données. Ils nous semblent néanmoins ouvrir a minima des pistes des réflexion. Parmi les 22 personnes rencontrées,12 avaient perdu l’un des deux parents ou les deux avant l’âge de 17 ans. Or, selon un rapport réalisé en 2003 portant sur l’ensemble de la population nigériane, 10 % des enfants entre 0 et 17 ans seraient orphelins (ONUSIDA, UNICEF et USAID, (2004) Les enfants au bord du gouffre, Annexe 1, Table 1, p. 28 , (en ligne), consulté le 9/02/2014. Ces chiffres ne sont pas strictement comparables, puisque parmi les enfants de 0 à 17 ans, certains perdront un de leurs parents après l’étude, mais avant leurs 17 ans. Ils donnent néanmoins un ordre d’idée quant à la proportion d’orphelins qui est très éloigné de la proportion qui ressort de notre étude.
Dans ce rapport, la proportion d’enfants ayant perdu leur père est à peu près équivalente à celle des enfants ayant perdu leur mère. Au sein des jeunes filles rencontrées, 8 avaient perdu leur père, 3, leur mère, et deux les deux parents. Il semble donc que la perte du père constitue un facteur très lourd de vulnérabilité
[35] Sur le personnage de la Madam, voir Vanessa Simoni (2013), préc. et Bénédicte Lavaud-Legendre et Bérénise Quattoni (2013), Désir migratoire, emprise et traite des êtres humains, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 61-92.
[36] Perrone Reynaldo et Naninni Martine (1995) Violence et abus sexuels dans la famille, ESF, Issy les Moulineaux, 175 p.
[37] Sur ces rituels, voir Simoni Vanessa (2013), I swear on oath, in Bénédicte Lavaud-Legendre (Ed.), Prostitution nigériane, Entre rêves de migration et réalités de la traite, Paris, Karthala, pp. 33-60.
[38] Nathan Tobie (1988), Le sperme du diable, PUF, Paris, 215 p.
[39] Nkene Blaise-Jacques (2004), De la migration à la crise identitaire : quelle citoyenneté pour les migrants Igbo au Cameroun, in Luc Sindjoun Ed., État, individus et réseaux dans les migrations africaines, Karthala, Paris, pp. 237-265.
[40] Perrone Reynaldo et Naninni Martine (1995) p. 131.
[41] Sironi Françoise (2001), Comment devient-on un bourreau ? Les mécanismes de destruction de l’autre Conférence prononcée au Collège de France le 30 janvier 2001 au cours du séminaire de physiologie de l’action et de la perception dirigé par le Pr. A. Berthoz, (en ligne), consulté le 3/02/2014. URL : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm
[42] Peyroux Olivier (2013), Délinquants et victimes, La traite des enfants d’Europe de l’Est en France, Non Lieu, Paris, 199 p.
[43] Peyroux Olivier (2013), Chapitre 5. Ce point ne ressort pas explicitement dans l’étude effectuée auprès des nigérianes, car il n’a pas pour l’instant être étayé d’un point de vue scientifique. Néanmoins, de tels phénomènes ont été évoqués lors des entretiens avec différents interlocuteurs, associatifs ou policiers.
[44] Parmi les nigérianes ayant résisté dès le début à la forme d’asservissement qui leur était imposée (en refusant de se prostituer les premiers soirs ou en ne respectant pas les contraintes imposées), la proportion de personnes qualifiant les relations avec sa famille de bonnes était plus importante qu’au sein de l’ensemble de l’échantillon. Pour les mineurs délinquants, voir Peyroux Olivier (2013), p. 147.
[45] Elle ne peut pas à l’inverse être invoquée par l’Etat à l’encontre d’un justiciable : C.E. 4 décembre 1974, Van Duyn, Lebon, 1337, conclusions Mayras. Voir également, Boffa Romain, (2009), La force normative des directives non transposées, in Catherine Thibierge (Ed.), La force normative, naissance d’un concept, Paris, LGDJ, pp. 323-335.
[46] L. 112-3 du CASF
[47] Alvaro Gil Robles, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, constatait à ce propos en 2006, dans un rapport sur le respect effectif des droits de l’homme en France : « D’une manière générale, les mineurs sont entourés d’une méfiance plus grande que les adultes et sont quasiment systématiquement considérés comme des fraudeurs. Leur minorité est souvent mise en cause ». CommDH(2006)2, 15 février 2006, suite à la visite du 5 au 21 septembre 2005, § 291.
Voir également différents documents cités par Martini Jean-François (2010) « A l’épreuve du rayon X », Revue Plein droit, (85), p. 22 ; Etiemble Angelina (2002) « Les mineurs isolés étrangers en France », Etude réalisée pour la DPM, Quest’Us, Rennes ; Rapport IGAS (2005) Mission d’analyse et de proposition sur les conditions d’accueil des mineurs étrangers isolés en France, n° 2005/010 : « Le recours à l’expertise d’âge, prescrite, pratiquée, utilisée de manière variable et contestée pour le caractère peu fiable de ses résultats, joue souvent un rôle de régulation pour les prises en charge ». 
[48] Voir notamment, Avis n° 88 du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques, 23 juin 2005. L’expertise osseuse consiste à comparer une radiographie de la main et du poignet gauche avec des clichés de référence. Or, ces références ont été définies il y a plus de cinquante ans par référence à un population américaine « d’origine caucasienne » : Atlas Greulich et Pyle, élaboré dans les années 30 ; ou Tanner et Whitehouse dans les années 50. La taille moyenne des individus a considérablement évolué et elle peut varier en fonction de l’origine géographique. La fiabilité de ce référentiel est donc largement contestable.
[49] Unicef, Digest Innocenti, n° 9, mars 2002, L’enregistrement à la naissance : un droit pour commencer, p. 7.
[50] CA Nancy, 28 janvier 2013, n° 12NC01366.
[51] Article 13 1.
[52] Article 13 2.
[53] Les seuls chiffres dont nous ayons connaissance portent sur les évaluations évoquées précédemment concernant le nombre de mineurs victimes.
[54] Voir notamment l’entretien avec M. Boulouque, directeur de la Brigade de protection des mineurs de Paris, dans Peyroux Olivier (2013), préc. p. 105.
[55] Jugement rendu par le tribunal de Bobigny en janvier 2007.
[56] La proposition de loi de lutte renforçant la lutte contre le système prostitutionnel adoptée par l’assemblée nationale en décembre 2013 et qui sera examinée courant 2014 par le sénat prévoit à son article 13 l’abrogation de l’article 225-10-1 du Code pénal incriminant le racolage.
[57] Le rapport du GRETA (groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains) mentionne dans son rapport d’évaluation pour la France de janvier 2013 à son paragraphe 11 : « les seules statistiques officielles fournies par les autorités françaises dans la réponse au questionnaire du GRETA quant au nombre de victimes de la traite des êtres humains ne couvrent que les victimes de traite aux fins d’exploitation sexuelle et incluent aussi les victimes de proxénétisme. »
[58] Haut commissariat aux réfugiés, « Note sur les politiques et procédures à appliquer dans le cas des enfants non accompagnés en quête d’asile », février 1997.
[59] Journal officiel n° C 221 du 19/07/1997 p. 0023 – 0027.
[60] L. 112-3 du CASF.
[61] Article L. 223-2 du Code de l’action sociale et des familles. L’évaluation accomplie sous l’autorité du Conseil Général doit théoriquement se dérouler dans un délai de 5 jours au cours duquel est mis en place un hébergement d’urgence.
[62] Circulaire du garde des sceaux 31 mai 2013, JUSF1314192C. A l’issue de ce délai, le président du Conseil Général saisit le Procureur de la République si la minorité et l’isolement du jeune sont établis. Ce dernier définit alors un lieu de placement dans le cadre du dispositif d’orientation national. Le Parquet compétent dans le département concerné doit alors saisir le juge des enfants, qui ordonne une mesure d’assistance éducative.
[63] Jonckers Danielle (1997) « Les enfants confiés » in Marc Pilon, et al. (Ed.), Ménages et familles en Afrique, Approche des dynamiques contemporaines, Paris, CEPED, pp. 193-208 ; Lallemand Suzanne (1993) La circulation des enfants en société traditionnelle, Prêt, don, échange, Paris, L’Harmattan, 224 p.
[64] Sur le lien entre cette pratique et le travail des enfants, R.I. Okunola et A.D. Ikuomola (2010)  « Child labour in fostering practices : a study of surulere local government area Lagos state, Nigéria », The social sciences, 5(6), pp. 493-506.
[65] Delaunay Valérie (2009) « Abandon et prise en charge des enfants en Afrique, une problématique centrale pour la protection de l’enfant », Mondes en développement, 2(146), p 39.
[66] Vandermeersch Céline (2002) « Les enfants confiés âgés de moins de 6 ans au Sénégal en 1992-1993 », Population 4(57), pp. 661-688 ; Deshusses Mathias (2005) « Du confiage à l’esclavage - Petites bonnes ivoiriennes en France » », Cahiers d’études africaines, 3(179-180), p. 736 et s.
[67] Article 13 de la loi du 4 mars 2002.
[68] Article 14.
[69] Article L. 345-1 du Code de l’action sociale et des familles.
[70] D’autres possibilités de sortie d’exploitation méritent d’être mentionnées, comme la création d’une famille, Olivier Peyroux (2013), p. 138. Si ce point n’a pas encore fait l’objet d’une analyse approfondie dans le contexte nigérian, différents professionnels rencontrés ont constaté que le fait de devenir mère  constituait un moyen possible de sortie de l’exploitation. Néanmoins si les auteurs de l’exploitation estiment que la somme payée par la mère au jour où survient la grossesse n’est pas suffisante, l’enfant peut devenir lui-même l’objet d’un chantage. En ce sens, http://sociedad.elpais.com/sociedad/2013/11/28/actualidad/1385630413_133360.html, article consulté le 9 février 2014.
[71] Sur ce thème voir, Garapon Antoine (2010) La raison du moindre Etat, Le néolibéralisme et la justice, Odile Jacob.
[72] Mesure 11.
[73] Mesure 2.