Médiateurs Roms la discrimination positive en question In Revue d'études tsiganes


Médiateurs roms, la discrimination positive en question In Revue d'études tsiganes n° 41-42

Introduction

Depuis les événements de l’été 2010 en France, les instances européennes ont décidé de développer à grande échelle les programmes de médiation envers les roms par la formation et l’embauche de plus 1000 médiateurs. Dans son allocution du 20 octobre 2010 Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l'Europe, déclarait : « L'Europe reste selon moi coupée en deux par un mur. Sa matérialisation concrète, faite de briques, de mortier et de béton, était encore apparente il y a peu ; mais l'essence même de ce mur demeure invisible et ne maintient pas moins efficacement les Roms à l’écart du reste de la société. (…) Ces médiateurs peuvent nous aider à changer le cours des choses, car ils représenteront le lien le plus immédiat entre nos normes et la réalité sur le terrain. »
Le discours qui présente les médiateurs roms comme l’antidote à la marginalisation de cette minorité en Europe est partagé par de nombreux acteurs institutionnels, ONG, organisations roms…  Si les médiateurs n’ont jamais fait autant parlé d’eux il faut rappeler que cette pratique est relativement ancienne. Déjà, dans les années 80, l’Espagne a eu recours à eux pour ses populations gitanes. En Roumanie, parmi les principaux pays visés actuellement par la commission européenne, les médiateurs roms sont apparus dans les années 90. Au fil des ans, ces programmes se sont institutionnalisés et partiellement homogénéisés. On compte actuellement plus de 400 médiateurs scolaires et 600 médiateurs sanitaires ainsi qu’une kyrielle de médiateurs communautaires, de facilitateurs roms… Le mur est-il brisé pour autant ? Commence-t-il à se fissurer ou en sort-il consolidé ? Voici des questions qui mériteraient d’être posées avant de former puis d’envoyer des centaines de médiateurs aux quatre coins de l’Europe.
Si le mot médiation possède une signification précise, il est nécessaire de revenir sur l’utilisation de cette notion et ses effets sur l’action. L’examen de la situation du judeţ de Dolj en Roumanie où je mène des actions[1] depuis 2008 illustrera une utilisation concrète de ce programme. Enfin, par le recueil de la parole des médiateurs[2], je tenterais  d’approfondir la réflexion et de formuler des propositions.

I/ Un concept ambigu
La définition que donne le Conseil de l’Europe dans le « Guide des médiateurs/assistants scolaires roms »[3] est la suivante : « la médiation est un processus initialement associé à la résolution des situations conflictuelles par l’intervention d’une troisième partie neutre : le médiateur. La participation du médiateur se fait avec l’accord ou à la demande des parties en conflit. La décision qui détermine la résolution de la situation conflictuelle est prise par les parties concernées et non pas par le médiateur ». Les deux parties sont expressément nommées dans un schéma qui illustre cette définition : il s’agit de « l’Ecole » d’une part et de la communauté rom, d’autre part. Le médiateur scolaire est décrit comme « la partie neutre ».   

Cette définition insiste sur trois points essentiels que nous retrouvons dans la plupart des travaux[4] :
-          la présence d’un conflit latent ou ouvert entre deux parties,
-          une demande ou un accord de ces deux parties pour nommer un médiateur neutre,
-          des décisions prises qui induisent un changement dans les deux camps.  

Concernant le premier point, la situation conflictuelle entre les « communautés roms » et l’institution, cela ne semble pas être la seule explication de leur exclusion du système de santé ou de l’abandon scolaire. Lorsque j’ai interrogé les médiateurs sur ce point les raisons évoquées étaient plus liées à la pauvreté qu’à une méfiance culturelle vis-à-vis de l’école ou de la santé. Par ordre d’importance, les causes avancées étaient les suivantes :
-          faiblesse des moyens de fonctionnement des institutions et bas salaires du personnel[5],
-          situation de pauvreté des bénéficiaires[6],
-          hostilité d’une partie de la population majoritaire sur les roms,
-          préjugés sur les roms de certains professionnels[7],
-          hostilité d’une partie des parents roms vis-à-vis de l’école (notamment pour les filles).  

L’accent mis sur la médiation entre « les communautés roms » et les institutions revient à travailler sur les deux derniers points qui parfois se révèlent être des conséquences des causes précédentes. Cela induit que ce programme appliqué à la lettre ne peut avoir qu’un impact limité.

S’agissant de la question de neutralité du médiateur, il est inutile de s’y attarder car, en pratique, quelque soit les projets, elle est quasiment impossible à assurer[8]. Enfin, pour ce qui est de la dernière condition, c’est-à-dire les décisions prises par les deux parties qui aboutissent à des changements, à part leurs comportements, leurs valeurs ou leur culture, il est difficile d’envisager ce que les roms concernés, pourraient modifier d’où une certaine interrogation quant à l’objectif réel de cette médiation.

La sémantique qui accompagne ce programme indique bien, en creux, que la « culture rom » est désignée comme la principale cause de marginalisation des « communautés roms ». Dans ce contexte, la mission des médiateurs roms serait donc d’inciter ces « communautés » au changement culturel via l’école, l’éducation à la santé ou l’apprentissage des moyens de contraception… Cet habillage conceptuel n’empêche pas l’obtention de résultats positifs ici ou là ; seulement il évite toute remise en cause des éléments structurels qui conduisent à l’appauvrissement d’une partie de la population roumaine rom et non-rom. A ce propos, bien que cette « médiation » ait tendance à nous le faire oublier, il est nécessaire de rappeler que tous les Roms de Roumanie ne vivent pas dans la misère, et que des Roumains non roms sont confrontés à la pauvreté, à l’abandon scolaire ou à l’exclusion du système de santé.

II / Les médiateurs scolaire en Roumanie, le cas du judeţ de Dolj
Depuis 2007 la profession de médiateur scolaire est reconnue et encadrée par la loi. Une formation[9] d’environ 10 mois est dispensée et une fiche de poste définit clairement leurs missions. 
L’étude de ce programme dans le judeţ de Dolj va nous permettre de mieux cerner le rôle et les difficultés auxquels sont confrontés les médiateurs. D’après le recensement de 2002, ce département compte 31544 roms ; il est le deuxième de Roumanie en terme de population rom auto-déclarée[10]. 12 médiateurs scolaires couvrent ce territoire dont 4 embauchés par l’équivalent du conseil général (consil judeţan), 2 par des communes et 6 par l’inspectorat scolaire (MECT). La coordination est assurée par le responsable du CRAJE  (Centre départemental de ressource éducative) conformément à loi qui définit les modalités d’encadrement des médiateurs.  Cet organisme est financé par le département.
Pour ces médiateurs, en théorie, leur répartition s’est faite en fonction des critères suivants :
-          une demande écrite et motivée de l’école,
-          la présence d’un médiateur pouvant être accepté par la « communauté rom locale » ou membre de la « communauté »,
-          une étude de l’inspectorat scolaire permettant de cibler les communes les plus pauvres.
Dans la pratique, le dernier point étant quasi-impossible à déterminer[11], les affectations répondent, en fonction du financeur (Etat, département ou commune), à une série de compromis entre acteurs locaux comme l’ANR[12], les BJR[13], les ONG roms, le département, les mairies et les écoles. Même s’il est difficile de lutter contre ces travers inhérents à tout projet[14], le risque principal est que les médiateurs interviennent uniquement dans les zones qui ont déjà bénéficiées de nombreux programmes d’aide…
Le cas de Gighera va nous permettre de mieux comprendre les lacunes induites par ce mode de sélection. Cette commune du sud du département dont la population rom représente 20 % de la population, a eu son école fermée pendant un an et demi pour cause de rénovation. En attendant la fin des travaux, les enfants étaient renvoyés sur l’école d’un village voisin distante de 4 à 8 km suivant le lieu d’habitation. L’absence de transport scolaire et la situation de grande pauvreté de la majorité des familles roms mais aussi non roms ont conduit à un taux d’absentéisme record. Cependant, ni l’école de ce village, ni celle du village voisin n’ont cherché à faire des demandes auprès des autorités pour obtenir un médiateur. La raison évoquée serait la paperasse et le manque de confiance sur les chances d’aboutissement du dossier. Pour éviter cette situation, il aurait suffit d’affecter les médiateurs en fonction du taux  d’abandon scolaire. Or, bien qu’il s’agisse de la mission première des médiateurs, ce taux n’est pas pris en compte. La raison qui m’a été donnée est simple : les statistiques officielles sont très souvent fausses. La lecture des registres de présence des élèves confirme cette information ; très peu d’enfants de Gighera ont été signalés comme absents. Certains même, installés en France depuis plusieurs années, étaient notés comme assidus et acceptés d’une année à l’autre dans la classe supérieure. Il ne s’agit donc pas d’une négligence mais plutôt d’une stratégie qui consiste à masquer l’abandon scolaire. En effet, pour éviter des fermetures de classes et donc des suppressions de postes d’enseignants, les chiffres officiels communiqués au ministère par les écoles n’ont souvent qu’un rapport lointain avec la réalité. L’accord « stand by » signé en 2009 entre le FMI et la Roumanie n’y est pas étranger car parmi les contre parties du prêt, plus de 15 000 enseignants doivent être licenciés[15].
Pour parer à l’absence de diagnostic crédible sur l’abandon, les autorités, conscientes de ce problème, ont inscrit dans la fiche de poste du médiateur de nombreuses tâches dédiées à l’établissement de statistiques (en voici quelques extraits) :
-          Comptabiliser (monitorizeaza) le nombre d’enfants de la communauté de niveau primaire qui ne vont pas à l’école,
-          Comptabiliser le nombre d’enfants niveau collège qui n’ont jamais été inscrits à l’école,
-          Réunir des données pertinentes pour pouvoir comptabiliser le nombre d’enfants qui accède à l’éducation,
-          Actualiser la base de données des élèves qui sont sur le point d’abandonner l’école…
En avançant dans mes recherches, je me suis aperçu qu’en fonction des acteurs, le programme de médiation scolaire répondait à des intérêts précis et différenciés enfouis sous la bannière de lutte contre l’abandon scolaire :
-          Pour le gouvernement roumain l’embauche d’un nombre conséquent de médiateurs et leur encadrement par la loi permet de prouver à la Commission européenne, au conseil de l’Europe et à certains pays membres la bonne volonté des autorités pour tenter « d’intégrer » mais surtout de fixer les roms en Roumanie[16],
-          Pour le ministère de l’éducation il s’agit, comme nous l’avons vu à l’instant, de mieux appréhender la réalité de l’abandon scolaire notamment pour la minorité rom[17] et de procéder à un certain contrôle des informations transmises par les écoles,
-          Pour l’école, les médiateurs ont pour principale fonction d’éviter les conflits entre enfants roms et non roms ; entre professeurs et parents d’élèves roms,
-          Pour beaucoup d’organisations roms (associatives ou institutionnelles), l’accent mis sur la nécessité d’une connaissance du romani voire l’appartenance à la minorité rom conforte l’idée que les organisations roms sont les intermédiaires indispensables et les interlocuteurs privilégiés pour s’occuper de cette minorité. Cette situation, dans un contexte de concurrence pour l’accès aux aides représente une garantie de stabilité financière et de pouvoir[18],
-          Enfin, pour certaines ONG plus généralistes, souvent formées et financées dans les années 90 aux méthodes anglo-saxonnes, les médiateurs correspondent à l’idéal du développement communautaire : former des « leaders » devant jouer un rôle de modèle positif et d’interlocuteur pour l’extérieur.

3/ Paroles d’acteurs
Dans ce contexte où des intérêts multiples se croisent quel regard les médiateurs scolaires ont-ils de leur travail ? La synthèse qui va suivre est le résultat d’entretiens et de discussions avec des médiateurs et des coordinateurs.
S’agissant de leur statut, les médiateurs considèrent comme un progrès la reconnaissance officielle par le ministère de l’éducation de leur profession. La formation a souvent été une période particulièrement appréciée. De plus, après des années d’incertitude et de contrats à durée déterminée, les événements de l’été 2010 ont permis, semble-t-il, une pérennisation des postes et  des embauches supplémentaires.
Malgré ces améliorations beaucoup considèrent leur position comme un véritable handicap. L’origine du problème provient du manque de considération de leur niveau d’étude réel. En effet, leur profession fait appel à un niveau de qualification « intermédiaire » qui correspond à des études de fin de collège. Or, la majorité des médiateurs interrogés possède un diplôme universitaire. Cette situation est responsable, selon eux, d’un manque de considération des professeurs qui les voient davantage comme des surveillants pour enfants roms que comme des collègues. Cette absence de prestige auprès de l’école a tendance à les dévaloriser auprès de la « communauté » et parfois utilisé comme « exemple à ne pas suivre ». Certains parents roms, peu enclins à mettre leurs enfants à l’école, voyant que les médiateurs diplômés servent d’homme à tout faire, se sentent conforter dans leur position que les études ne servent à rien. Pour éviter de perdre leur crédibilité, ils cachent d’ailleurs soigneusement le montant de leur rémunération qui correspond au salaire minimum soit 120 euros par mois. Dans le département de Dolj, afin d’augmenter le nombre de postes, le conseil judeţan a choisi d’embaucher ses médiateurs à mi-temps pour une rémunération de 60 euros par mois ! Même si beaucoup déclarent s’être engagés pour aider leur communauté, il est évident qu’à terme la faiblesse des salaires aura des conséquences sur la motivation et l’assiduité.
Intéressons-nous maintenant à la vision qu’ils ont de leur mission première : la lutte contre l’abandon scolaire. Si certains mettent en avant le fait qu’ils ont réussi à inscrire une centaine d’élèves, dans l’ensemble, sur cette question, ils se sentent relativement impuissants pour trois raisons :
-          il leur est difficile de convaincre des familles n’ayant pas les moyens d’acheter des vêtements et des fournitures pour l’école,
-          ils ne disposent pas d’une législation contraignante permettant de faire pression sur les parents qui refusent de scolariser leurs enfants,
-          ils sont démunis face aux migrations des parents qui confient les petits aux aînés obligés alors de renoncer à leur scolarité.
Pourtant, ils ne considèrent pas leur travail comme inutile et s’investissent souvent dans d’autres champs qu’ils jugent important pour la « communauté ». Au niveau départemental, les coordinateurs expliquent que les médiateurs ont permis d’avoir une bien meilleure connaissance de la situation réelle des familles. Beaucoup ont mis en place des activités extra-scolaires comme la création de groupes folkloriques et ont développé toute sorte de projets.  En fait, afin de récupérer en prestige (et aussi en rémunération) certains s’impliquent localement afin d’améliorer la situation de la commune. Cela peut aller de l’adduction d’eau à la construction d’infrastructures ou au développement d’activités économiques locales.
Concernant la question de l’appartenance « communautaire » ou « ethnique » revendiquée comme nécessaire par certaines organisations roms, l’utilité de cette approche en terme d’influence semble pour le moins mitigée. Il existe quelques médiateurs roms (moins d’un quart de ceux rencontrés) qui jouissent d’une reconnaissance importante au sein de leur groupe et qui, de ce fait, ont une très forte influence. Pour les autres, outre le problème déjà  évoqué de l’image du médiateur rom perçu souvent négativement en raison du traitement qu’il reçoit à l’école, d’autres aspects sont à prendre en compte. Parmi les groupes les plus traditionnels la proximité « culturelle » ou « ethnique » devrait être considérée comme un atout déterminant mais elle ne l’est pas. En effet, les médiateurs, parce qu’ils appartiennent à d’autres groupes, parce qu’ils ont fait des études ou parce qu’ils se sont mariés tard sont considérés comme des roms ayant renoncés « aux traditions ». Ils disent que nous sommes des  kaćtale et pour cette raison, ils refusent de nous écouter. En fait, ces groupes les considèrent comme des roms provenant de familles « déviantes » d’où une grande méfiance chez certains voire un refus de les fréquenter. Dans ces situations, un médiateur roumain ou appartenant à une autre minorité serait plus facilement accepté car les enjeux ne sont pas de même nature. En effet, ces groupes se situent positivement ou négativement par rapport à d’autres roms et non en opposition aux gadjé[19]. Si le médiateur n’était pas rom, ils se soucieraient moins de la bonne ou la mauvaise influence de ce dernier sur leur progéniture.

Conclusion
Lorsqu’on interroge les médiateurs et les responsables de ce programme sur leurs recommandations tous insistent sur trois points :
-          augmenter les effectifs,
-          améliorer le statut et la rémunération,
-          prévoir des formations qui prennent en compte les aspects interculturels entre roms et non roms et la problématique de la migration.
De l’avis de tous, ce programme représente une avancée pour les populations défavorisées. Cependant, le point qui parait être le plus problématique est celui de « l’ethnicisation » des problèmes sociaux. En effet, plus on crée de projets destinés uniquement aux roms, plus on accrédite l’idée que les roms, par nature, sont un problème social. Comme nous l’avons vu, beaucoup de médiateurs qui cherchent à améliorer la situation localement montent des projets pour l’ensemble de leur commune ou de leur quartier et ne se contentent pas d’aider un groupe spécifique. Les roms comme les autres sont confrontés à une réalité socio-économique qui engendre des difficultés sociales similaires. Dans le judeţ de Dolj, d’après les informations recueillies par les médiateurs, parmi les élèves en situation d’abandon scolaire, 21 % serait roms. Certes, cette minorité est surreprésentée par rapport au reste de la population mais cela signifie que cette problématique ne se limite pas à un groupe particulier. Nous pourrions multiplier les exemples sur les questions d’enfants restés à la maison tandis que les parents travaillent à l’étranger ou les difficultés d’accès au système de santé qui sont loin d’épargner les Roumains.
Vouloir désigner un groupe en fonction de ses origines culturelles supposées différentes, voire incompatibles, comporte plusieurs dangers. On pense bien sûr au nationalisme et à certaines formes de populisme. Cela pousse aussi le groupe désigné au repli identitaire. Même si la très grande majorité des roms n’ont pas de sentiments d’appartenance à une minorité transnationale, les médiateurs constatent de plus en plus de situations d’enfants qui maîtrisent mal le roumain. Ce phénomène est relativement nouveau est démontre un isolement par rapport à la société majoritaire. L’utilisation des médiateurs scolaires ou sanitaires apporte le risque de voir traiter les roms dans leur propre pays comme des étrangers. Lors de discussions, plusieurs professionnels se sont plaints du fait que des enseignants ne souhaitaient plus rencontrer les parents d’élèves roms, sous prétexte que c’est au médiateur de s’en occuper. Des cas similaires existent avec des médecins qui préfèrent renvoyer leurs patients roms sur les médiateurs sanitaires. Cette pratique peut être aussi utilisée sur le plan politique. Lors des négociations du plan d’action européen pour l’intégration des Roms du 20 octobre 2010, la Roumanie a fait adopter une disposition qui précise qu’au bout de 3 mois de résidence dans un état membre c’est au pays qui accueille de mettre en place l’ensemble des mesures pour leur « intégration ». Bien que cette notion puisse être interprétée comme un rappel des droits liés à la citoyenneté européenne des roms roumains, elle conforte l’image des roms comme minorité extra-européenne sans attache et sans pays.
L’affirmation du droit à l’éducation, du droit à la santé et les mesures concrètes qui vont avec semble être la base la plus saine pour lutter contre l’abandon scolaire et l’exclusion du système de santé. Les médiateurs, tout en gardant leurs missions, lutte contre l’abandon scolaire ou accès aux soins, et sans renoncer à leur principal atout, bonne connaissance des populations en difficulté, pourraient devenir des travailleurs sociaux. Plutôt que d’être dirigés vers des groupes particuliers en raison de leur appartenance « ethnique » ou « culturelle », ils seraient amenés à travailler avec l’ensemble de la population qui connaît des difficultés. Le problème rom finirait alors par s’effacer pour laisser place aux questions de société…


Bibliographie

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USAID, NGO Sustainability index for Central and Eastern Europe and Eurasia, 13th Edition – juin 2010.





[1] Dans le cadre de l’association Hors la Rue www.horslarue.org
[2] Entretiens réalisés auprès de médiateurs du judeţ de Dolj, de coordinateurs et de MM G.Gheorghe et S.ION de l’association drepate şi fraţie.
[3] Education des enfants roms en Europe – Guide du médiateur / assistant scolaire rom. Ed. Conseil de l’Europe. 2009 http://www.coe.int/t/dg4/education/roma/Source/Guide_FR.PDF
[4] Le concept de la médiation et l’urgence théorique par Michèle Guillaume-Hofnung, cahier du Cremoc n°35
[5] Outre une certaine démotivation du personnel encadrant cela induit, notamment au sein du système de santé, une pratique généralisée de corruption qui fait que si en théorie le système est gratuit, dans la pratique, les plus pauvres n’y ont pas accès. Une étude de la Banque mondiale de 2004 a révélé que la corruption dans le système de santé roumain s’élevé à 300 millions d’euros par an.
[6] Les médiateurs du département de Dolj mettent en avant le fait que la cause principale de non scolarisation des enfants au primaire est liée au manque d’argent des parents pour acheter les vêtements et les fournitures nécessaires.
[7] Dans le cas des médiateurs sanitaires cette cause arrive devant celle sur l’hostilité de la population majoritaire.
[8] Il est difficile d’imaginer un tiers rémunéré par une institution totalement indépendante des deux parties en conflit.
[9] Des 1990 à 2010, près de 800 médiateurs scolaires ont été formés. Actuellement le cursus est assuré par trois principaux organismes sur une période allant de 8 à 10 mois avec des modules relativement similaires.
[10] Voir l’article de M.Olivera Introduction aux formes et raisons de la diversité rom roumaine, In études tsiganes n°38
[11] Les revenus des migrants qui envoient de l’argent à leur famille ne sont quasiment jamais déclarés ainsi que de nombreuses activités rémunérées qui ne font pas l’objet de facture. 
[12] Agence National des Roms,
[13] Bureau départemental des Roms
[14] « Un projet même abstraction faite de ses contacts avec la populations est ainsi déjà un ensemble en partie in-cohérent, car doté de cohérences disparates » J-P Olivier de Sardan, Anthropologie et développement, Ed Apad Karthala, Paris, 1998, p 130 (221 p)
[15] « Selon la lettre d’intention à l’accord stand-by citée par MEDIAFAX, le gouvernement roumain s’est engagé devant le FMI à licencier encore 74.000 fonctionnaires en 2010 et au moins 15.000 en 2011, après avoir déjà licencié 27.000 fonctionnaires depuis le début de l’année ». Extrait de la revue de presse du 5 août 2010 de l’Ambassade de France à Bucarest.
[16] La déclaration reconnaît que les « défis » posés par la situation des Roms ont « des implications transfrontalières et appellent par conséquent une réponse paneuropéenne ». Elle souligne néanmoins que la responsabilité première de leur intégration sociale incombe « aux Etats membres dont les Roms sont ressortissants ou dans lesquels ils résident durablement et légalement. Extrait de la déclaration de Strasbourg du Conseil de l’Europe après l’adoption du Plan d’action européen pour l’intégration des Roms le 20 octobre 2010.
[17] L’article  9 du chapitre 3 l’ordonnance 1539 du 19 juillet 2007 du MECT (ministère roumain de l’éducation) définit les attributions des médiateurs scolaires. Parmi la quinzaine de points évoqués plus d’un tiers concerne la collecte de données sur la situation des enfants de la communauté rom. 
[18] Les difficultés que connaissent les ONG sont liées à la crise financière que connaît la Roumanie depuis 2009. De plus, pour des raisons historiques, les services sociaux roumains sont souvent réticents à confier certaines missions aux ONG. Le rapport de l’USAID sur la situtation des ONG en Roumanie de 2009 montre que cette tendance se développe au fil des ans.  Si l’on regarde les prestations de services assurées par des ONG : en 2006 elles représentées deux tiers, en 2009 elles sont estimées à 50 %. En revanche, toujours selon le même rapport les services auprès des roms sont presque exclusivement assurés par les ONG.http://www.usaid.gov/locations/europe_eurasia/dem_gov/ngoindex/2009/complete_document.pdf
[19] M.Olivera «  Romanes, on l’intégration traditionnelle des Gabori de Transylvanie, thèse de doctorat en ethnologie, Univsersité Paris X, 2007